Le 30 mai 2002
        Clabecq : l'arrêt pénal du 22 mai
 

L'arrêt sur les poursuites entreprises par le parquet de Nivelles contre certains anciens travailleurs des Forges de Clabecq, rendu le 22 mai dernier par la cour d'appel de Bruxelles, a été présenté comme une victoire triomphale par les leaders de l'ancienne délégation syndicale, avec cette formule : "Acquittement sur toute la ligne, sauf pour des virgules" !

Relayée sans grand esprit critique par une large part de la presse, cette lecture de la décision judiciaire a ému de nombreux concitoyens qui m'ont fait part de leur incompréhension : l'impression d'impunité qu'elle dégage ajoute à leur sentiment d'insécurité devant la montée de la violence sous diverses formes.

Il est vrai que, malgré les interpellations de nombreux journalistes, je me suis refusé à commenter à chaud cette décision, dont le texte ne m'a d'ailleurs pas encore été communiqué : ma déontologie de membre du gouvernement faisait obstacle à ce que je réagisse officiellement sur un dossier dont j'avais eu à connaître dans l'exercice d'une fonction judiciaire, et qui est au demeurant clôturé pour l'essentiel, à savoir le sauvetage des Forges.

La mission de la cour d'appel était délicate :

1) La personne qui m'a porté des coups au "Relais du Marquis" à Ittre le 7 février 1997 est décédée quelques semaines plus tard. Et les auteurs d'autres violences, dont les conducteurs masqués des bulldozers qui avaient renversé des autocars de la gendarmerie sur le bretelle de l'autoroute de Mons à Wauthier-Braine le 29 mars, n'ont pas pu être identifiés. Aucune condamnation ne pouvait donc être prononcée de ces chefs.

2) Dans le feu d'une manifestation, des débordements peuvent se produire. Sans pour autant les admettre, ils peuvent être excusés par le fait de la détresse de ceux qu'une faillite de cette importance prive brutalement de leur emploi. C'est ce qui explique que le collège des curateurs n'ait pas porté plainte. L'action syndicale ne devait pas être criminalisée. A ce titre, le recours à une disposition légale remontant au siècle dernier, qui, aux yeux du parquet, aurait permis d'imputer les faits commis par d'autres à M. D'Orazio comme meneur de grève, était pour le moins discutable.

3) Mais on ne pouvait pas ne pas sanctionner des infractions dépassant le cadre de cette action syndicale, et notamment celles dont M. D'Orazio s'était personnellement rendu coupable. C'est le motif pour lequel celui-ci a été triplement sanctionné : pour outrage à la police, du fait de la "descente" de la délégation sur le commissariat de Tubize le jour de l'aveu de la faillite ; pour menace à l'égard de curateurs, d'un juge-commissaire et de leurs enfants lors de la ratonnade du 7 février au Relais du Marquis ; pour la rixe avec un automobiliste Avenue Louise. Tout cela n'avait évidemment rien à voir avec la défense des intérêts des travailleurs.

4) Quel que soit le dossier en cause, la loi doit être appliquée de manière identique à tous les délinquants : s'il convenait que M. D'Orazio soit sanctionné pour les infractions commises, il devait aussi pouvoir bénéficier de la suspension du prononcé. La cour la lui a accordée, comme à tout autre primo-délinquant : la condamnation liée à la sanction des faits établis ne sera pas prononcée s'il ne récidive pas dans un délai donné.

Ceci étant, l'arrêt rendu me paraît équilibré. Il témoigne de la sérénité de la justice dans un dossier dont la médiatisation pouvait donner à craindre de son issue. Mais ne nous laissons pas aveugler par l'interprétation qu'en a donnée M. D'Orazio : il a bien été sanctionné, et la cour l'a d'ailleurs condamné à me verser l'euro symbolique que j'avais demandé à titre de réparation.








Autres points d'actualité
Imprimer ce document
Envoyer cet article à un(e) ami(e)
Votre réaction à cet article