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Lorsqu'une majorité abuse
de son pouvoir en se tenant à la lettre de la loi, plutôt
qu'à son esprit, l'opposition ne peut forcer le débat
qu'en en faisant autant. Face à un gouvernement qui triche,
il n'y a d'autre voie que de pratiquer ce que la démocratie
parlementaire anglaise a de tout temps appelé la «
flibuste ». C'est ce qui s'est passé vendredi et
samedi derniers, lors de la dernière séance du Parlement
de la Région de Bruxelles-Capitale.
Sur le plan économique, la déclaration
gouvernementale de juillet 2004 était axée sur la
mise en place d'un outil foncier apte à acquérir
et à adapter des terrains en friche pour être consacrés
au développement de nouvelles initiatives industrielles
et commerciales. En décembre dernier, un cavalier budgétaire
inscrit à l'ordonnance contenant le budget général
des voies et moyens pour l'année 2005 prévoyait
la création d'une « Société d'acquisition
foncière » (en abrégé, la « S.A.F.
») dont les actionnaires seraient la Région et la
SDRB. Tout était prêt, nous déclarait à
l'époque le gouvernement. M. Picqué, son ministre-président,
précisait ainsi que les statuts étaient déjà
établis et M. Vanhengel, ministre des Finances, ajoutait
même que les administrateurs avaient été désignés.
Puis, plus rien : six mois s'écoulèrent
sans que le dossier n'avance. Et voilà qu'à l'avant-veille
de la séance de vendredi dernier, des membres de la majorité
(mais non les chefs de groupe eux-mêmes !) déposent
une proposition dont on apprend qu'elle n'est autre chose que
la retranscription du projet gouvernemental resté en rade.
But de la manoeuvre : éviter l'avis du Conseil d'Etat,
qui doit obligatoirement être consulté sur tout projet
d'ordonnance. Et qu'en début de séance la majorité
demande et s'accorde sur l'urgence, entendant faire voter le projet
le jour même avant 15h et verrouiller ainsi le débat
!
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Ce n'était
pas sérieux : pour forcer le débat et mettre en exergue
les travers et lacunes de ce dangereux projet, le groupe MR n'a
eu d'autre solution que de déposer des amendements : une
série de fond, de très nombreux de forme. Le débat
se prolongeait ainsi au cours de la nuit de vendredi et samedi et
aurait pu se poursuivre la nuit suivante si le Président
du Parlement n'avait enfin compris qu'il fallait assurer un débat
plus sérieux.
Une faille de taille a d'ailleurs amené la majorité
à accepter un amendement que j'avais déposé
: la proposition se bornait à approuver des statuts arrêtés
par le gouvernement ; elle ne lui conférait même pas
l'habilitation nécessaire pour que l'exécutif puisse
constituer la société !
Ceci dit, d'autres graves lacunes de cette proposition, qui a finalement
été votée en fin de matinée le samedi
16 juillet, sont à déplorer. Aucun plan financier
n'a par exemple été soumis à nos délibérations,
de sorte que c'est un blanc seing total à l'exécutif,
dont on ne connaît donc pas les projets précis, qu'a
accordé, les yeux fermés, la majorité. Toutes
les dispositions légales relatives à l'acquisition
et à la disposition de biens domaniaux sont écartées,
de sorte que tous les garde-fous existant traditionnellement en
la matière sont supprimés. L'autonomie de fonctionnement
de la S.A.F. est plus que bridée, ce qui mettra sans nul
doute en péril l'objectif poursuivi par sa création,
à savoir la débudgétisation de l'opération.
Et, dans ces conditions, l'aide publique que constitue la participation
en capital de la Région me paraît elle aussi critiquable.
Je ne manquerai pas de revenir sur ce dossier à la rentrée....
Points
d'actualité antérieurs
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