Le 18 juillet 2005
       Flibuste
 

Lorsqu'une majorité abuse de son pouvoir en se tenant à la lettre de la loi, plutôt qu'à son esprit, l'opposition ne peut forcer le débat qu'en en faisant autant. Face à un gouvernement qui triche, il n'y a d'autre voie que de pratiquer ce que la démocratie parlementaire anglaise a de tout temps appelé la « flibuste ». C'est ce qui s'est passé vendredi et samedi derniers, lors de la dernière séance du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Sur le plan économique, la déclaration gouvernementale de juillet 2004 était axée sur la mise en place d'un outil foncier apte à acquérir et à adapter des terrains en friche pour être consacrés au développement de nouvelles initiatives industrielles et commerciales. En décembre dernier, un cavalier budgétaire inscrit à l'ordonnance contenant le budget général des voies et moyens pour l'année 2005 prévoyait la création d'une « Société d'acquisition foncière » (en abrégé, la « S.A.F. ») dont les actionnaires seraient la Région et la SDRB. Tout était prêt, nous déclarait à l'époque le gouvernement. M. Picqué, son ministre-président, précisait ainsi que les statuts étaient déjà établis et M. Vanhengel, ministre des Finances, ajoutait même que les administrateurs avaient été désignés.

Puis, plus rien : six mois s'écoulèrent sans que le dossier n'avance. Et voilà qu'à l'avant-veille de la séance de vendredi dernier, des membres de la majorité (mais non les chefs de groupe eux-mêmes !) déposent une proposition dont on apprend qu'elle n'est autre chose que la retranscription du projet gouvernemental resté en rade. But de la manoeuvre : éviter l'avis du Conseil d'Etat, qui doit obligatoirement être consulté sur tout projet d'ordonnance. Et qu'en début de séance la majorité demande et s'accorde sur l'urgence, entendant faire voter le projet le jour même avant 15h et verrouiller ainsi le débat !



























 


 


 

 

Ce n'était pas sérieux : pour forcer le débat et mettre en exergue les travers et lacunes de ce dangereux projet, le groupe MR n'a eu d'autre solution que de déposer des amendements : une série de fond, de très nombreux de forme. Le débat se prolongeait ainsi au cours de la nuit de vendredi et samedi et aurait pu se poursuivre la nuit suivante si le Président du Parlement n'avait enfin compris qu'il fallait assurer un débat plus sérieux.

Une faille de taille a d'ailleurs amené la majorité à accepter un amendement que j'avais déposé : la proposition se bornait à approuver des statuts arrêtés par le gouvernement ; elle ne lui conférait même pas l'habilitation nécessaire pour que l'exécutif puisse constituer la société !

Ceci dit, d'autres graves lacunes de cette proposition, qui a finalement été votée en fin de matinée le samedi 16 juillet, sont à déplorer. Aucun plan financier n'a par exemple été soumis à nos délibérations, de sorte que c'est un blanc seing total à l'exécutif, dont on ne connaît donc pas les projets précis, qu'a accordé, les yeux fermés, la majorité. Toutes les dispositions légales relatives à l'acquisition et à la disposition de biens domaniaux sont écartées, de sorte que tous les garde-fous existant traditionnellement en la matière sont supprimés. L'autonomie de fonctionnement de la S.A.F. est plus que bridée, ce qui mettra sans nul doute en péril l'objectif poursuivi par sa création, à savoir la débudgétisation de l'opération. Et, dans ces conditions, l'aide publique que constitue la participation en capital de la Région me paraît elle aussi critiquable.

Je ne manquerai pas de revenir sur ce dossier à la rentrée....







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