Le 07 décembre 2005
       Que penser de Francorchamps ?
 

Après celui du logement social, le dossier Francorchamps ne donne pas de la gestion publique wallonne une image encourageante ! Je ne me rangerai jamais parmi ceux qui pointent du doigt telle ou telle personne en fonction de son appartenance politique, ce qui est manifestement l’objectif de certains protagonistes. Mais je m’interroge sur la responsabilité collective des gestion-naires publics et sur notre perte de mémoire à tous.

1) Pendant l’été 2003, à peu près tous les Wallons, chauffés à blanc par les médias, et notamment par la campagne de presse de la D.H., veulent sauver Francorchamps. Il y va de l’image de la Région et des retombées économiques du grand prix. Seule Ecolo renâcle : il n’aime pas la publicité pour le tabac sans laquelle il n’y aura plus de courses. Mais aucun parti ne discute du coût de la relance du circuit. J’avais eu beau mettre en cause le rapport coût-bénéfice de l’opération de promotion, la réponse paraissait évidente : « Francorchamps, ça n’a pas de prix » !

Le circuit et les installations appartiennent à une intercommunale, qui doit en garder la maîtrise pour bénéficier des subventions à leur entretien ou leur développement.

Ecclestone, qui exploite les Grands Prix, a concédé en 2001 l’exploitation de Francorchamps entre 2002 et 2010 à son épouse, via leurs sociétés Formula One Association (FOA) et Spa Activities. Pour redémarrer le Grand Prix de Belgique, l’idée est, dans un premier temps, de céder le contrat de Spa Activities à Liège Consulting, une filiale de Meuseinvest. A l’examen, cette solution n’apparaît pas possible. Après un audit d’Arthur Andersen, une nouvelle société de promotion est créée, la SPCSF, avec comme président Yves Bacquelaine et vice-président Jean-Marie Happart. Son conseil d’administration reflète la majorité politique, à coloration essentiellement liégeoise.

Le prix du plateau (dont une large partie doit être redistribuée aux constructeurs) est négocié entre Serge Kubla, ministre de l’Economie, et Bernie Ecclestone. Alors que celui-ci demandait une vingtaine de millions d’euros, il accepte de descendre à un montant de l’ordre de quatorze. Mais il veut que son paiement soit garanti par la Région pendant toute la durée du contrat. Avant la fin des pourparlers, il accepte cependant de se contenter de la garantie de Meusinvest pour 2003.

Lorsqu’elle est constituée, la SPCSF prend le relais de Kubla pour les négociations ultimes. La convention que ses dirigeants auront mise au point et qui sera signée fin octobre 2003 prévoira bien une garantie régionale. Mais la Région refusa de la donner.

Y a-t-il quelque chose de choquant à ce que le prix du plateau soit dû tout au long du contrat, et à son caractère plutôt unilatéral ? A mes yeux, non : comparé à d’autres évènements analogues, le prix ne paraît pas exagéré, le délai et le dédit sont usuels, comme sont usuels l’unilatéralité de contrats de ce type ainsi que la juridiction des tribunaux anglais. Et, comme le soulignait à l’époque le ministre du budget Daerden, il y avait continuité : la convention conclue par Meusinvest se référait pour l’essentiel au contrat de Spa Activities du 9 août 2001. Alors, pourquoi un tel fouin ? Sans cette clause, le contrat avec Ecclestone n’aurait pas pu être obtenu.

 

 


 

































 


 


 

 

La seule question relative au montage est à mes yeux juridique : le fait que la convention prévue par Meusinvest ait prévu une garantie régionale oblige-t-elle la Région, parce qu’elle contrôle Meusinvest, alors que son gouvernement a refusé de donner cette garantie ? Comme avocat, je serais, saufs éléments que j’ignorerais et qui permettraient de qualifier certains hauts responsables comme administrateurs de fait, moins pessimiste que certains confrères.

2) Il ne suffisait cependant pas de disposer des droits d’exploitation : encore fallait-il trouver un exploitant prêt à prendre le risque de l’organisation du Grand Prix et que celui-ci ait l’agrément de Bernie Ecclestone.

Ce sera M. Defourny qui sera choisi. Piètre option, puisqu’il fit récemment faillite, deux ans plus tard ? Manifestement oui, compte tenu des éléments éclairés par le curateur. Mais il semble que les amateurs éligibles n’étaient pas légion ! Sauf à supporter elle-même le risque de la course, la Région n’avait sans doute pas vraiment le choix.

3) Alors, pourquoi depuis plus d’un mois tous les protagonistes se répandent-ils en explications confuses, en mensonges, en silences ennuyés ? Pourquoi ne pas affirmer haut et clair qu’il fallait payer ce qu’il fallait pour obtenir le retour du Grand Prix, comme tout le monde le voulait ? Je ne comprends pas.

4) A moins que ….

Pourquoi ailleurs parle-t-on si peu des modalités de la convention entre la SPCSF et Defourny, et des garanties demandées à celui-ci. Est-il exact que le successeur de Kubla ait renoncé au blocage des recettes ? Y a-t-il eu des dessous de table ?

Pourquoi n’est-ce qu’il y a quinze jours que Defourny, endossant la tenue d’attaquant, faisait état de deux pièces nouvelles, « « deux documents dont le gouvernement régional ne dispose pas, mais qui sont en la possession de Bernie Ecclestone », à savoir un avenant à la convention et une lettre !

Pourquoi le Ministre-Président wallon/Président du PS, Elio Di Rupo, se tait-il en toutes les langues, lui qui allait mettre les « parvenus » à la porte du parti ! Et pourquoi cadenasse-t-il le débat au Parlement en refusant une commission d’enquête ?

5) Enfin, la faute majeure ne fut-elle pas commise au moment du vote au Parlement Fédéral de la loi anti-tabac ? Pourquoi à l’époque les parlementaires wallons, et plus particulièrement ceux du coin, laissèrent-ils passer ? S’ils avaient été vigilants, la course se serait poursuivie comme par le passé…


 









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