Le 23 octobre 2006
       Le juge, censeur du Parlement ?
 

Le 28 septembre dernier la Cour de cassation a refusé d'annuler un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui avait condamné l'Etat du fait de l'arriéré judiciaire bruxellois, en considérant que le pouvoir législatif était fautif parce qu'il ne prenait pas les mesures appropriées pour apurer cet arriéré ; le juge devient-il ainsi le censeur du Parlement ? Telle est la question que m'a posée Laurent Marlière, journaliste à L'Echo, dont l'édition de ce week-end a publié en page 22 mon interview, laquelle reflète au demeurant quelques considérations que j'ai déjà fait valoir dans l'un ou l'autre « point d'actualité » antérieur.

La publication en cause n'a cependant pas reproduit les derniers éléments de l'actualité judiciaire en la matière. Depuis le début du mois, le carrousel de la responsabilité de l'Etat du fait des décisions de ses ministres et de ses juges continue en effet à tourner.

Ainsi la Cour de cassation a-t-elle rendu le 6 octobre un nouvel arrêt dans le contentieux entre le ministre Landuyt et les associations de riverains, en déboutant cette fois l'Etat belge de son recours contre un arrêt du 17 mars 2005 jugeant que la piste 02 était utilisée de manière excessive et dangereuse et ordonnant la cessation de la mise en œuvre du "plan Anciaux bis". La Cour suprême considère que la cour d'appel n'a pas violé le principe de la séparation des pouvoirs en constatant l'existence de nuisances causant un préjudice majeur à la santé, à la sécurité et au bien-être des riverains, alors que les intérêts économiques du pays ne sont pas compromis, ni le trafic aérien perturbé en cas de retour à la situation antérieure.

Ce caveat a évidemment toute son importance ; à première vue, par la généralités de ses termes, l'arrêt pose néanmoins problème.

 





 








 

Il y a quelques jours on apprenait aussi que la cour d'appel de Bruxelles venait de condamner l'Etat pour des « illégalités » commises par le Conseil d'Etat lors des sélections de plusieurs de ses conseillers, estimant que celles-ci n'avait pas été suffisamment objectives ! Et enfin que l'Ordre des barreaux francophones et germanophones avait initié des actions en justice afin de faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans l'important arriéré du Conseil d'Etat ! Il est vrai que tout cela fait désordre !

Ceci dit, le dernier mot appartient au législateur, voire au Constituant : c'est à lui de prendre les mesures appropriées pour que soit mis un terme, s'il la jugeait excessive, à l'immixtion directe ou indirecte du judiciaire dans l'exécutif ou le législatif, et, plus généralement, à l'insécurité juridique qui se développe, je le rappelle, avec le recours de plus en plus généralisé à des notions d'ordre général comme, comme l' « égalité », comme la « proportionnalité », comme le « droit à la santé », comme la « bonne gouvernance », comme la « motivation adéquate », comme l' « usage problématique », tout comme le « délai raisonnable » , etc., qui sont certes nobles sur le plan des principes mais qui sont à ce point malléables dans leur application pratique qu'elles permettent aux juges de substituer leur appréciation à celle des décideurs, ce qui me paraît dangereux, surtout dans un contexte de médiatisation de la justice et de populisme conséquent.















Points d'actualité antérieurs
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