Le 26 avril 2007
        Le nucléaire peut-il attendre ?
 

Parmi les enjeux qui ne sont pas abordés clairement dans la campagne pour les élections – du moins jusqu’ici – figure l’avenir du nucléaire, une question que j’ai suivie attentivement pendant les quelques mois de 2003 où j’ai exercé les fonctions de secrétaire d’Etat à l’Energie. C’est mon intérêt pour cette question qui m’a amené à assister le 27 mars dernier à une conférence de Mme Anne Lauvergeon, P.D.G. d’Areva, organisée dans les salons de la résidence de l’ambassadeur de Belgique en France par la Chambre de commerce Belgo-Luxembourgoise à Paris (dont – soit dit-en passant – le président, M. Christian Vandorpe, a fourni une remarquable présentation introductive de l’oratrice, toute en intelligence et en finesse…).

C’était évidemment par un « non » clair et net que Mme Lauvergeon répondrait à la question qui lui était posée et que j’ai reprise dans le titre de ce point d’actualité : on ne pouvait en attendre moins de la patronne du leader mondial dans le nucléaire, et du numéro 3 dans le transport et la distribution d’électricité, avec un chiffre d’affaires de quelque 11 milliards en 2006, un emploi de près de 60.000 personnes et des implantations industrielles ou une présence commerciale dans une centaine de pays !

Reste que l’argumentation justifiant cette réponse simple et sans ambiguïté, fondée sur les trois principaux déterminants de la scène énergétique de ce début du 21ième siècle, était particulièrement intéressante :

1) La demande d’énergie, et plus encore d’électricité, va continuer à augmenter significativement dans le monde, avec la multiplication des facilités énergivores dans les pays en développement et l’émergence de nouveaux pays où l’électricité accompagne inévitablement une urbanisation accélérée (voy. p. ex. la Chine) : les spécialistes prévoient un déboulement de la consommation dans la première moitié du siècle !

2) La sécurité d’approvisionnement, qui suppose un accès à l’énergie à un prix raisonnable, pourrait être mise en péril par l’augmentation des prix du pétrole et du gaz : d’où la nécessité d’une politique de diversification des approvisionnements nécessaires.

 



 

3) La réduction des émissions de C02 dans le contexte des engagements pris pour contrer le réchauffement de la planète, impose une production d’énergie sans carbone.

L’augmentation de la demande, la sécurité d’approvi-sionnement et l’environnement commandent, plaide Mme Lauvergeon, que les producteurs et utilisateurs utilisent toutes les solutions à leur disposition : économies d’énergie et amélioration de l’efficacité énergétique, développement de transports plus propres, atténuation des effets des énergies fossiles et recours aux énergies sans carbone : renouvelables (éoliennes), grande hydraulique et… nucléaire.

En Asie, en Russie, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud ou encore au Brésil, observe la PDG d’Areva, de nouveaux réacteurs se construisent ; alors, l’Europe attendra-t-elle… qu’il soit trop tard : « first come, first serve » ? « La cinétique (y) est plus lente », répond Mme Lauvergeon, en citant la Finlande, la France et le Royaume-Uni. « De nombreux électriciens sont prêts à construire de nouveaux réacteurs, ajoute-t-elle. Mais pour investir dans une centrale nucléaire… les investisseurs ont besoin d’une visibilité et d’une permanence des orientations des politiques énergétiques. Et, de manière très opérationnelle, d’un cadre juridique et réglementaire stable et prévisible ; et harmonisé pour éviter de refaire 27 fois la totalité des mêmes démarches de certification, longues et coûteuses ».

La conclusion qui s’impose, et que je partage, c’est qu’il est temps d’engager honnêtement un large débat public, de manière à ce que nos concitoyens puissent se déterminer en connaissance de cause, sans idées préconçues ni idéologies. Cela suppose évidemment – Mme Lauvergeon était la première à l’admettre – que l’industrie réponde clairement aux inquiétudes légitimes que suscite le nucléaire. Bref, pour que le débat si nécessaire pour notre avenir puisse s’engager sans trop tarder, il faudrait, de la part des hommes politiques, des entreprises industrielles et des électeurs, un plus gros effort de transparence.









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