|
Parmi les enjeux qui ne sont
pas abordés clairement dans la campagne pour les élections
– du moins jusqu’ici – figure l’avenir
du nucléaire, une question que j’ai suivie attentivement
pendant les quelques mois de 2003 où j’ai exercé
les fonctions de secrétaire d’Etat à l’Energie.
C’est mon intérêt pour cette question qui m’a
amené à assister le 27 mars dernier à une
conférence de Mme Anne Lauvergeon, P.D.G. d’Areva,
organisée dans les salons de la résidence de l’ambassadeur
de Belgique en France par la Chambre de commerce Belgo-Luxembourgoise
à Paris (dont – soit dit-en passant – le président,
M. Christian Vandorpe, a fourni une remarquable présentation
introductive de l’oratrice,
toute en intelligence et en finesse…).
C’était évidemment
par un « non » clair et net que Mme Lauvergeon
répondrait à la question qui lui était posée
et que j’ai reprise dans le titre de ce point d’actualité
: on ne pouvait en attendre moins de la patronne du leader mondial
dans le nucléaire, et du numéro 3 dans le transport
et la distribution d’électricité, avec un
chiffre d’affaires de quelque 11 milliards en 2006, un emploi
de près de 60.000 personnes et des implantations industrielles
ou une présence commerciale dans une centaine de pays !
Reste que l’argumentation justifiant
cette réponse simple et sans ambiguïté, fondée
sur les trois principaux déterminants de la scène
énergétique de ce début du 21ième
siècle, était particulièrement intéressante
:
1) La demande d’énergie,
et plus encore d’électricité, va continuer
à augmenter significativement dans le monde, avec la multiplication
des facilités énergivores dans les pays en développement
et l’émergence de nouveaux pays où l’électricité
accompagne inévitablement une urbanisation accélérée
(voy. p. ex. la Chine) : les spécialistes prévoient
un déboulement de la consommation dans la première
moitié du siècle !
2) La sécurité d’approvisionnement,
qui suppose un accès à l’énergie à
un prix raisonnable, pourrait être mise en péril
par l’augmentation des prix du pétrole et du gaz
: d’où la nécessité d’une politique
de diversification des approvisionnements nécessaires.
|
|
3)
La réduction des émissions de C02 dans le contexte
des engagements pris pour contrer le réchauffement de la
planète, impose une production d’énergie sans
carbone.
L’augmentation de la demande, la sécurité d’approvi-sionnement
et l’environnement commandent, plaide Mme Lauvergeon, que
les producteurs et utilisateurs utilisent toutes les solutions à
leur disposition : économies d’énergie et amélioration
de l’efficacité énergétique, développement
de transports plus propres, atténuation des effets des énergies
fossiles et recours aux énergies sans carbone : renouvelables
(éoliennes), grande hydraulique et… nucléaire.
En Asie, en Russie, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud ou encore
au Brésil, observe la PDG d’Areva, de nouveaux réacteurs
se construisent ; alors, l’Europe attendra-t-elle… qu’il
soit trop tard : « first come, first serve »
? « La cinétique (y) est plus lente »,
répond Mme Lauvergeon, en citant la Finlande, la France et
le Royaume-Uni. « De nombreux électriciens sont
prêts à construire de nouveaux réacteurs,
ajoute-t-elle. Mais pour investir dans une centrale nucléaire…
les investisseurs ont besoin d’une visibilité et d’une
permanence des orientations des politiques énergétiques.
Et, de manière très opérationnelle, d’un
cadre juridique et réglementaire stable et prévisible
; et harmonisé pour éviter de refaire 27 fois la totalité
des mêmes démarches de certification, longues et coûteuses
».
La conclusion qui s’impose, et que je partage, c’est
qu’il est temps d’engager honnêtement un large
débat public, de manière à ce que nos concitoyens
puissent se déterminer en connaissance de cause, sans idées
préconçues ni idéologies. Cela suppose évidemment
– Mme Lauvergeon était la première à
l’admettre – que l’industrie réponde clairement
aux inquiétudes légitimes que suscite le nucléaire.
Bref, pour que le débat si nécessaire pour notre avenir
puisse s’engager sans trop tarder, il faudrait, de la part
des hommes politiques, des entreprises industrielles et des électeurs,
un plus gros effort de transparence.
Points
d'actualité antérieurs
Imprimer ce document
|
|