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Dans le dernier numéro de la "Solvay Business
Review", Mme Nelly Schmitz, Professeur honoraire à
l'ULB, dont j'admire souvent la plume alerte, exprime le malaise
que suscite le comportement irritant de certains présentateurs
télévisés, tant dans le ton utilisé
que par leur côté inquisiteur, "poussant
les hommes et femmes politiques invités sur les plateaux
à dire ce qu'ils ne souhaitent pas dévoiler pour
ne pas ruiner d'emblée toute possibilité de négociation
ultérieure".
Mettant en scène un dialogue sur la question avec feu François-Henri
de Virieu, auteur d'un ouvrage intitulé "La Médiacratie"
publié chez Flammarion en 1990, elle imagine une
interview qui commence par la question de savoir jusqu'où
le journaliste peut pousser son acharnement. Et ce dialogue, que
je reproduis avec son autorisation sans autre commentaire, tant
il me paraît intéressant dans ses mises en garde,
se déroule comme suit :
"J'estime, comme je l'ai écrit dans le livre que vous
citez, qu'aucun droit n'est illimité. A quel titre le droit
de savoir le serait-il ?"
Plus généralement, la mobilisation plus ou
moins grande de l'opinion pour un événement peut-elle
s'expliquer par la couverture médiatique plus ou moins
forte de cet événement ?
"Aujourd’hui, le monde devient trinitaire : gouvernement
- médias - opinion. Et c'est ce qui est au milieu -les
médias- qui devient l'essentiel, qui devient le levier
de toute action. Les pouvoirs sont en train de changer de mains.
Une puissance nouvelle se développe et s'insinue dans les
rouages de la vie sociale des pays développés pour
en pervertir le fonctionnement. Cette puissance, c’est le
système médiatique."
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Cette puissance peut-elle conduire
à mettre en place des hommes politiques dont le souci premier
serait de plaire l'opinion bien avant celui de gérer le
pays avec efficacité ?
"Je le crains effectivement. La télévision
favorise même exclusivement le visible, la gestuelle et
la mimique, reléguant le discours au rang des accessoires.
Les hommes et les femmes les plus habiles à obtenir la
légitimité populaire ne sont pas nécessairement
ceux qui feront accomplir la meilleure performance à la
communauté qui les aura pris pour chef. Le risque est donc
grand de voir la sélection des élites politiques
se faire sur des apparences, voire sur des critères sans
rapport avec l'ampleur de la tâche qui les attend. La menace
qui pèse sur notre société, c'est de voir
accéder au pouvoir des hommes politiques de plus en plus
ordinaires alors que la société devient de plus
en plus complexe, c'est-à-dire de plus en plus difficile
à gérer."
Que peut-on faire pour contrer cette menace ? Quelle réaction
proposez-vous ?
"L’opinion réagit à partir de ce qui
lui apportent les médias. La nécessaire remise en
question doit donc venir des médias eux-mêmes. C'est
pour l’ensemble du système médiatique qu’il
faut concevoir de nouveaux codes et tracer la nouvelle frontière
du devoir de vérité."
Points
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