Le 22 janvier 2008
        Médiacratie
 

Dans le dernier numéro de la "Solvay Business Review", Mme Nelly Schmitz, Professeur honoraire à l'ULB, dont j'admire souvent la plume alerte, exprime le malaise que suscite le comportement irritant de certains présentateurs télévisés, tant dans le ton utilisé que par leur côté inquisiteur, "poussant les hommes et femmes politiques invités sur les plateaux à dire ce qu'ils ne souhaitent pas dévoiler pour ne pas ruiner d'emblée toute possibilité de négociation ultérieure".

Mettant en scène un dialogue sur la question avec feu François-Henri de Virieu, auteur d'un ouvrage intitulé "La Médiacratie" publié chez Flammarion en 1990, elle imagine une interview qui commence par la question de savoir jusqu'où le journaliste peut pousser son acharnement. Et ce dialogue, que je reproduis avec son autorisation sans autre commentaire, tant il me paraît intéressant dans ses mises en garde, se déroule comme suit :

"J'estime, comme je l'ai écrit dans le livre que vous citez, qu'aucun droit n'est illimité. A quel titre le droit de savoir le serait-il ?"

Plus généralement, la mobilisation plus ou moins grande de l'opinion pour un événement peut-elle s'expliquer par la couverture médiatique plus ou moins forte de cet événement ?

"Aujourd’hui, le monde devient trinitaire : gouvernement - médias - opinion. Et c'est ce qui est au milieu -les médias- qui devient l'essentiel, qui devient le levier de toute action. Les pouvoirs sont en train de changer de mains. Une puissance nouvelle se développe et s'insinue dans les rouages de la vie sociale des pays développés pour en pervertir le fonctionnement. Cette puissance, c’est le système médiatique."





 

Cette puissance peut-elle conduire à mettre en place des hommes politiques dont le souci premier serait de plaire l'opinion bien avant celui de gérer le pays avec efficacité ?

"Je le crains effectivement. La télévision favorise même exclusivement le visible, la gestuelle et la mimique, reléguant le discours au rang des accessoires. Les hommes et les femmes les plus habiles à obtenir la légitimité populaire ne sont pas nécessairement ceux qui feront accomplir la meilleure performance à la communauté qui les aura pris pour chef. Le risque est donc grand de voir la sélection des élites politiques se faire sur des apparences, voire sur des critères sans rapport avec l'ampleur de la tâche qui les attend. La menace qui pèse sur notre société, c'est de voir accéder au pouvoir des hommes politiques de plus en plus ordinaires alors que la société devient de plus en plus complexe, c'est-à-dire de plus en plus difficile à gérer."

Que peut-on faire pour contrer cette menace ? Quelle réaction proposez-vous ?

"L’opinion réagit à partir de ce qui lui apportent les médias. La nécessaire remise en question doit donc venir des médias eux-mêmes. C'est pour l’ensemble du système médiatique qu’il faut concevoir de nouveaux codes et tracer la nouvelle frontière du devoir de vérité."













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