Par ailleurs, et c'est la seconde
source d'inquiétude, le nouveau système a ceci de
singulier qu'il revient à pénaliser les personnes
les plus précarisées. En effet, les locataires incapables
de payer deux mois de loyer comptant sont astreints alors à
constituer une garantie équivalente à trois mois
de loyer, certes de manière échelonnée. (...)
Que ce soit entre locataires (dont
certains peuvent craindre qu'on va leur préférer
ceux qui sont capables de payer cash immédiatement, indice
d'une meilleure santé financière) ou entre propriétaires
(qui n'auront pas tous le même nombre maximal de mois de
loyer à titre de garantie), il y a comme un germe de traitement
inégalitaire.
Si rien ne dit que cette apparence
de discrimination ne puisse pas, à l'examen, être
considérée comme objective et raisonnable (le Conseil
d'Etat n'a pas cillé par exemple), elle fournit en tout
cas une ressource argumentative providentielle à ceux qui
voudraient entreprendre la nouvelle loi devant la Cour constitutionnelle
et, ainsi faire peser une hypothèque sur le prescrit nouveau.
(...)
Enfin, puisqu'il ne faut jamais
exclure que les intentions les plus nobles conduisent, par effet
pervers, au résultat inverse de celui qui était
escompté, il n'est pas interdit de s'interroger sur les
potentiels détournements de la mesure. En effet, le bailleur
dont on a raboté d'un tiers sa couverture des risques locatifs
pourrait bien, en retour, afficher une sévérité
accrue dans le choix du preneur.
En écrémant les candidats
sur une base financière, il amenuisera d'autant en effet
la probabilité d'avoir recours à une garantie désormais
rétrécie. Ou alors pour maintenir la garantie à
son niveau pécuniaire antérieur, le bailleur sera
éventuellement tenté de rehausser le loyer, ce qui
rejoindra par ailleurs son éventuelle velléité
de ne retenir que les locataires les plus solvables. En tout état
de cause, le bailleur confronté au premier défaut
de paiement pourrait bien hâter l'introduction d'une action
en justice escamotant ainsi la phase informelle de négociation
« de la dernière chance » qui précède
directement l'introduction de cette démarche officielle
et ce, dans le seul but de contenir autant que faire se peut l'arriéré
locatif et l'empêcher de prendre de trop grandes proportions.
Et par identité de mot, le juge sera tenté de prononcer
la rupture du contrat avec davantage de célérité,
sans plus accorder d'éventuel délai de grâce
(ce qu'il peut d'ordinaire faire sur pied de l'article 1244, al
2 du Code Civil). (...)
Au minimum, il faudra s'assurer que les institutions financières
sollicitées avec lesquelles un « accord cadre »
demeure d'ailleurs à conclure, jouent bien le jeu. Si une
concertation a effectivement été organisée
avec le secteur bancaire (une « demi-dizaine de réunions
», ce qui reste peu), ses résultats demeurent flous.
Conscient en tout cas d'évoluer en terrain miné,
le législateur a explicitement prévu une évaluation
du dispositif de garantie bancaire un an après son entrée
en vigueur. Il est ainsi ménagé au Roi la possibilité
de rectifier le tir, pour, le cas échéant, «
organiser une garantie publique pour couvrir les garanties octroyées
par les institutions financières à certaines catégories
de locataires que le Roi définit, selon les modalités
de financement qu'Il définit ».
Ce commentaire constitue un véritable réquisitoire
contre les dispositions en cours et un appel à la remise
en cause de la loi actuelle qui manque manifestement de cohérence.
La nouvelle proposition de loi devrait mettre fin au système
actuel peu fiable et restaurer la confiance des particuliers dans
l’investissement locatif et suggère de revenir au
texte de loi applicable avant la loi du 25 avril 2007. Ce qui
revient à dire que la garantie, lorsqu’elle consiste
en une somme d’argent, s’élève à
un montant maximal de trois mois de loyer qui doit être
placé sur un compte ouvert au nom du locataire et bloqué
en faveur du bailleur.
Points
d'actualité antérieurs
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