Le 04 mars 2008
        Résoudre positivement la question de la garantie locative
 

Les députés Olivier Hamal et Marie-Christine Marghem ont déposé une proposition de loi relative à la constitution de la garantie locative en vue de mettre fin au préjudice subi par les bailleurs et les locataires engendré par la nouvelle loi du 25 avril 2007 modifiant et complétant la loi de 1991.

En effet, la nouvelle loi dispose que, pour le cas de constitution de la garantie locative en espèces, le locataire peut opter pour l’une des trois formules suivantes :

- l’ouverture d’un compte individualisé au nom du preneur auprès d’une institution financière bloquant la garantie qui ne peut excéder un montant équivalent à deux mois de loyer ;

- une garantie bancaire pour laquelle le preneur s’engage à constituer progressivement la garantie alors équivalente à trois mois de loyer par paiement de mensualités constantes pendant la durée du contrat, avec un maximum de trois ans. L’institution financière ne peut refuser la garantie bancaire eu égard à la solvabilité du locataire ;

- une garantie bancaire équivalente à trois mois de loyer constituée par le CPAS qui introduit la demande auprès d’une institution financière au profit du preneur.

Les auteurs de la proposition de loi s’appuient sur les inconvénients de la loi du 25 avril 2007, dont notamment la réduction de la garantie à deux mois de loyer pour l’ouverture d’un compte bloqué par le preneur et les réticences des institutions financières pour le système relatif à la garantie bancaire équivalente à trois mois de loyer.

La nouvelle loi suscite les critiques tant de la part des propriétaires que de celle des locataires car elle pourrait se retourner contre ceux qu’elle cherche à protéger.

Ce nouveau texte de loi a été adopté dans la précipitation, sans accord précis avec les institutions financières, ni avis des associations de défense des locataires et des propriétaires.

Nicolas Bernard, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis, formule des réserves pertinentes reprises par ses auteurs dans la nouvelle proposition de loi dont je reproduis quelques extraits ci-dessous :

« Tout d’abord la réduction de trois à deux mois de loyer est susceptible de fragiliser certains propriétaires pas spécialement en fonds. Leur « enlever » en une fois un tiers de la somme qui permet de s’immuniser contre l’ensemble des éléments d’inexécution contractuelle (les dégâts locatifs et les arriérés de loyers) n’est pas un acte anodin. Les moins aisés des bailleurs pourraient être mis en difficulté si d’aventure la relation contractuelle venait à se dégrader, singulièrement dans la mesure où la procédure judiciaire pour obtenir le départ d'un locataire en défaut de paiement (par exemple) prend déjà plusieurs mois, pendant lesquels ils sont privés de leurs rentrées locatives. Une garantie de deux mois de loyer, dans ce cadre-là, c'est assurément peu.

Rien n'y fit cependant, la forte mobilisation des propriétaires contre cette disposition phare de la loi nouvelle n'ébranla point un législateur déterminé dans sa résolution. Si nul ne contestait la nécessité de faciliter l'accès au logement des personnes à revenus modestes, il était peut-être possible cependant d'imaginer des solutions qui n'entament point la « couverture » du bailleur et qui, en revanche proposent une solution identique pour tous, sans discrimination. Il convient à cet égard d'épingler plusieurs propositions de loi suggérant la création d'un « Fonds fédéral des garanties locatives ». Dans un système intéressant l'ensemble des garanties versées par les locataires, cette très importante masse monétaire engendrant par elle-même des intérêts permettant au Fonds de faire sans peine l'avance au bailleur (trois mois de loyer dans tous les cas).

 







 

Par ailleurs, et c'est la seconde source d'inquiétude, le nouveau système a ceci de singulier qu'il revient à pénaliser les personnes les plus précarisées. En effet, les locataires incapables de payer deux mois de loyer comptant sont astreints alors à constituer une garantie équivalente à trois mois de loyer, certes de manière échelonnée. (...)

Que ce soit entre locataires (dont certains peuvent craindre qu'on va leur préférer ceux qui sont capables de payer cash immédiatement, indice d'une meilleure santé financière) ou entre propriétaires (qui n'auront pas tous le même nombre maximal de mois de loyer à titre de garantie), il y a comme un germe de traitement inégalitaire.

Si rien ne dit que cette apparence de discrimination ne puisse pas, à l'examen, être considérée comme objective et raisonnable (le Conseil d'Etat n'a pas cillé par exemple), elle fournit en tout cas une ressource argumentative providentielle à ceux qui voudraient entreprendre la nouvelle loi devant la Cour constitutionnelle et, ainsi faire peser une hypothèque sur le prescrit nouveau. (...)

Enfin, puisqu'il ne faut jamais exclure que les intentions les plus nobles conduisent, par effet pervers, au résultat inverse de celui qui était escompté, il n'est pas interdit de s'interroger sur les potentiels détournements de la mesure. En effet, le bailleur dont on a raboté d'un tiers sa couverture des risques locatifs pourrait bien, en retour, afficher une sévérité accrue dans le choix du preneur.

En écrémant les candidats sur une base financière, il amenuisera d'autant en effet la probabilité d'avoir recours à une garantie désormais rétrécie. Ou alors pour maintenir la garantie à son niveau pécuniaire antérieur, le bailleur sera éventuellement tenté de rehausser le loyer, ce qui rejoindra par ailleurs son éventuelle velléité de ne retenir que les locataires les plus solvables. En tout état de cause, le bailleur confronté au premier défaut de paiement pourrait bien hâter l'introduction d'une action en justice escamotant ainsi la phase informelle de négociation « de la dernière chance » qui précède directement l'introduction de cette démarche officielle et ce, dans le seul but de contenir autant que faire se peut l'arriéré locatif et l'empêcher de prendre de trop grandes proportions. Et par identité de mot, le juge sera tenté de prononcer la rupture du contrat avec davantage de célérité, sans plus accorder d'éventuel délai de grâce (ce qu'il peut d'ordinaire faire sur pied de l'article 1244, al 2 du Code Civil). (...)

Au minimum, il faudra s'assurer que les institutions financières sollicitées avec lesquelles un « accord cadre » demeure d'ailleurs à conclure, jouent bien le jeu. Si une concertation a effectivement été organisée avec le secteur bancaire (une « demi-dizaine de réunions », ce qui reste peu), ses résultats demeurent flous.

Conscient en tout cas d'évoluer en terrain miné, le législateur a explicitement prévu une évaluation du dispositif de garantie bancaire un an après son entrée en vigueur. Il est ainsi ménagé au Roi la possibilité de rectifier le tir, pour, le cas échéant, « organiser une garantie publique pour couvrir les garanties octroyées par les institutions financières à certaines catégories de locataires que le Roi définit, selon les modalités de financement qu'Il définit ».

Ce commentaire constitue un véritable réquisitoire contre les dispositions en cours et un appel à la remise en cause de la loi actuelle qui manque manifestement de cohérence.

La nouvelle proposition de loi devrait mettre fin au système actuel peu fiable et restaurer la confiance des particuliers dans l’investissement locatif et suggère de revenir au texte de loi applicable avant la loi du 25 avril 2007. Ce qui revient à dire que la garantie, lorsqu’elle consiste en une somme d’argent, s’élève à un montant maximal de trois mois de loyer qui doit être placé sur un compte ouvert au nom du locataire et bloqué en faveur du bailleur.












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