Justification de l’Amendement du Gouvernement à
la proposition de loi relative à la continuité des
entreprises
(Doc. Chambre des représentants 52 0160/001)
I. Introduction
1.
Le droit des procédures collectives subit dans la plupart
des pays européens une évolution rapide, tant sous
l’influence des instruments juridiques transnationaux, tels
le règlement européen 1346/2000/CE ou les directives
européennes en matière financière, que sous
l’influence des mutations du modèle économique
qui forcent à donner une plus grande variété
des réponses aux crises de l’entreprise. La continuité
de l’entreprise est cruciale pour le bien être de
la population. Ceci nécessite des moyens mieux adaptés
que les instruments existants.
La loi du 17 juillet 1997 sur le concordat a
rapidement montré ses limites et a vieilli. Il faut la
repenser. Certains objectifs de la loi restent valables, et l’amendement
qui vous est soumis s’inscrit dans la continuité
des objectifs poursuivis. Il s’agit toujours de poursuivre
le développement durable des entreprises et leur assainissement
sans perturber par des décisions judiciaires les mécanismes
des marchés normaux.
Les instruments juridiques pour atteindre ces
objectifs doivent être adaptés dans l’harmonie
avec le droit des pays qui sont nos partenaires commerciaux. Le
droit international et européen conduit à adopter
un modèle législatif basé sur la distinction
entre les procédures collectives de liquidation (telle
la faillite) et les procédures de redressement de l’entreprise.
Cette dichotomie se retrouve dans le droit belge qui avait fait
en 1997 une nette distinction entre la faillite et le concordat.
L’amendement du Gouvernement n’entend pas remettre
fondamentalement cette division en cause et maintient la différence
entre d’une part, la réorganisation et d’autre
part, la faillite mais complète le concept de réorganisation
d’une manière qui permet de régulariser des
situations très différentes qui ont comme caractéristiques
communes qu’elles ont trait à une entreprise insolvable
ou qui l’est potentiellement et qui cherche autre chose
qu’une liquidation pure et simple de son actif. Dans ce
sens, la réorganisation est une forme résiduelle
du traitement de l’insolvabilité. La procédure
de réorganisation à une portée plus large
que l’ancienne réglementation relative au concordat
judiciaire.
2.
La réglementation relative à l’insolvabilité
se repartit actuellement sur plusieurs instruments. Pour les personnes
physiques, qui ne sont pas commerçantes, il y a la réglementation
relative au règlement collectif de dettes. Les associations
sont également soumises à des règles spécifiques.
Pour les commerçants et les sociétés commerciales,
la faillite est une réponse par la voie de la liquidation,
mais n’autorise pas ou presque pas des réponses simples
de sauvetage de l’outil. Le concordat, dont l’abrogation
est proposée par le texte qui vous est soumis, tendait
principalement à assurer un moratoire à des entreprises
qui étaient encore viables. Il manquait à tout cela
principalement un système permettant sans trop de complication
de restructurer une activité économique sur un arrière
fond de pré-faillite voire même de faillite imminente.
3.
Comme dans le droit antérieur, la proposition de loi qui
vous est soumis s’applique aux entités économiques,
que sont les commerçants et les sociétés
commerciales. Lors des auditions du 27 novembre 2007 au 12 février
2008 , il est apparu qu’une extension du champ d’application
d’une loi permettant la restructuration d’entreprises
était souhaitable. Les sociétés civiles à
forme commerciale et les sociétés agricoles ne peuvent
actuellement prétendre bénéficier d’un
concordat. Pourtant, ce sont des entités économiques
qui pourraient parfaitement convenir dans le cadre de la réglementation
qui vous est proposée. C’est la raison pour laquelle
le champ d’application de la loi a été étendu
par l’amendement du Gouvernement à ces entités,
avec la seule exception des professions libérales qui font
par ailleurs l’objet de suffisamment d’accompagnement
par des Ordres ou des Instituts.
4.
A. La portée très large de l’amendement
qui vise toutes sortes de phénomènes d’insolvabilité
justifiait que le régime des enquêtes commerciales,
contenu dans la loi sur le concordat, soit repris dans cette loi
et adapté au nouveau contexte.
Le système des enquêtes commerciales qui a fait ses
preuves depuis un demi-siècle est sauvegardé dans
l’amendement et légèrement adapté aux
exigences actuelles.
B. La portée très large de l’amendement
justifiait aussi que soit introduite dans ce contexte la possibilité
de faire appel à un médiateur d’entreprise.
La médiation est, dans un autre contexte, un moteur de
l’«alternative dispute resolution». Cette procédure
informelle, qui connaît un succès croissant en Europe
de l’Ouest, peut être également utilisée
dans ce contexte et permet sur une base totalement volontaire
de travailler avec un médiateur qui peut jeter des liens
entre l’entreprise et ses contractants ou un certain nombre
d’entre eux.
Beaucoup de petites entreprises en difficulté
éprouvent quelque difficulté à trouver un
bon intermédiaire qui puisse à la fois amener les
dirigeants à réfléchir aux problèmes
posés par une situation de crise et à trouver le
bon moyen pour contacter ceux qui ont le destin de l’entreprise
en mains. Une personne neutre et compétente qui à
l’instar du médiateur judiciaire fait découvrir
tant aux créanciers importants qu’au débiteur
les solutions possibles, peut être d’un précieux
secours.
C. Se trouve également dans la partie
générale, la possibilité formelle pour les
tiers de faire nommer, selon les règles du référé,
un mandataire de justice qui contribuera, par son action, à
la préservation de la continuité. Cela formalise
ce qui existe déjà dans la pratique.
5.
La loi du 17 juillet 1997 avait à dessein exclu
de son champ les solutions librement négociées.
Ce n’était pas ce que souhaitait la pratique, ainsi
qu’il apparut quelques années plus tard lors des
discussions tenues dans le cadre de la FEB à la demande
de Madame Laurette ONKELINX, alors Ministre de la Justice. La
pratique souhaitait que l’accord amiable retrouve ouvertement
une place importante dans les procédures collectives.
Le concordat amiable relève
sans doute de la liberté des conventions mais certains
avaient limité la possibilité d’obtenir un
concordat amiable aux cas où tous les créanciers,
par ailleurs traités sur pied d’égalité,
consentaient au concordat. Cette opinion était fondée
sur l’idée condamnée par la Cour de cassation
dans ses arrêts récents, que tout ce qui touche les
procédures collectives est d’ordre public est surannée.
L’amendement favorise donc le concordat amiable de diverses
façons, notamment en reconnaissant l’opposabilité
de paiements faits au cours de ce concordat et en admettant que
tous les créanciers ne doivent pas être impliqués.
La différenciation du traitement des créanciers
fait partie de la vie même de l’entreprise, particulièrement
en temps de crise. Pour des insolvabilités transnationales
importantes, le concordat amiable est souvent la seule solution.
Il ne fallait pas que la Belgique se prive d’instruments
lui permettant de rejoindre ce genre de grandes opérations.
6.
Pour le reste, l’amendement contient des éléments
qui étaient présents dans l’ancien concordat
judiciaire mais contient beaucoup de nouveaux éléments,
si bien qu’il était opportun de réécrire
la loi.
Dorénavant le débiteur, qui a des
problèmes de liquidités, dispose, même s’il
se trouve dans un état de faillite, d’un éventail
de possibilités permettant à l’entreprise
de retrouver sa rentabilité.
L’amendement offre à l’entreprise
en difficultés, depuis le dépôt de la requête
initiale plusieurs possibilités pour redresser la barre.
L’entreprise ne se retrouve plus devant le choix binaire
du concordat ou de la faillite, mais a, au contraire, une pluralité
d’options qui iront de systèmes très libres
à des systèmes plus contraignants. Dans la majorité
des cas, le débiteur restera à la tête de
ses affaires durant la procédure, mais la procédure
de transfert notamment peut signifier une contrainte majeure pour
le débiteur.
Le débiteur peut demander un moratoire
dans le but de conclure un concordat amiable sous le parapluie
du sursis, il peut le demander dans le but d’obtenir, sous
le contrôle du juge un étalement de sa dette ou une
réduction des montants dus, il peut enfin demander un moratoire
pour que, sous le couvert de ce moratoire, son entreprise soit
transférée à un tiers. Les trois objectifs
sont possibles et supposent une attitude volontariste au départ
du débiteur. En cas d’absence d’une telle disposition
d’esprit, le tribunal pourra encore désigner un mandataire
de justice si des manquements graves et caractérisés
menacent la continuité de l’entreprise ou ordonner
d’autorité le transfert de l’entreprise.
7.
Le juge et le tribunal de commerce peuvent et doivent continuer
à exercer un rôle important dans l’encadrement
des procédures collectives. L’intérêt
général voire même dans certains cas particuliers
l’ordre public sont en cause, et pour peser les intérêts,
la présence et l’action du juge sont indispensables
Sous la loi actuelle sur le concordat, un sursis
ne pouvait être accordé que lorsqu’une entreprise
manifestait quelques signes d’essoufflement sans être
pour autant en état de pré-faillite. La Belgique
était la seule nation à restreindre à ce
point l’accès aux procédures de redressement
et était totalement isolée, d’autant plus
que plusieurs tribunaux avaient lu les dispositions de la loi
relatives au concordat avec une rigueur extrême et renforçaient
encore par la voie de l’interprétation les conditions
déjà restrictives mises à l’octroi
du sursis.
L’amendement assouplit les conditions mises
à l’octroi d’une procédure de réorganisation.
Il faut bien sûr qu’il y ait une situation préoccupante,
autrement il serait illégitime et anticoncurrentiel que
l’entreprise se mette sous une forme de protection judiciaire
à l’abri des créanciers.
Mais dans l’ensemble, les conditions sont
moins strictes que sous le concordat judiciaire. La procédure
peut même être ouverte à une personne qui se
trouve en état de faillite mais dans ce cas le but de la
procédure doit être adaptée: comme choisi
la procédure devra, plutôt qu’une procédure
classique de faillite, aboutir à une gestion plus efficace
de la situation et être conduite conformément à
la concurrence avec une partie déterminée de l’activité.
8.
L’accès à la procédure a été
donc largement facilité et les conditions d’accès
ont été rendues moins contraignantes.
L’amendement simplifie -et rend moins coûteux- le
système en ce qui concerne les organes chargés de
gérer la procédure. Le débiteur lui-même,
dans la plupart des cas, est évidemment le moteur de son
redressement et y est intéressé. Mais il n’est
pas sûr que le débiteur puisse assurer de façon
adéquate le redressement de l’entreprise et c’est
la raison pour laquelle les procédures sont prévues
pour l’assister. Cette assistance ne doit pas pour autant
l’étouffer. L’expérience acquise des
commissaires au sursis a révélé que cette
formule était souvent onéreuse pour un résultat
peu satisfaisant : le commissaire au sursis prenait parfois trop
parfois trop peu d’initiatives et son rôle restait
ambigu. C’est la raison pour laquelle l’amendement
maintient la possibilité d’une assistance mais sans
la rendre obligatoire. Par contre la surveillance de la procédure
passe entièrement aux mains d’un juge délégué
ce qui assure une assistance fatalement moins onéreuse
que celle donnée par le commissaire au sursis.
9.
La première des procédures faites sous supervision
judiciaire est la négociation d’un concordat amiable
sous le parapluie du sursis. Les quelques mois de répit
peuvent faciliter les démarches du débiteur.
La deuxième des procédures est
la procédure de redressement judiciaire par accord collectif.
Elle se rapproche de la procédure de concordat existante
tout en subissant une simplification radicale. La procédure
est divisée en deux périodes: celle du sursis, visant
la période pendant laquelle le débiteur cherche
une solution à ses difficultés et élabore
un plan de réorganisation, celle de l’exécution
du plan ensuite.
La troisième des procédures organise
le transfert de l’entreprise sous supervision judiciaire.
L’amendement part du concept que la sauvegarde de l’entreprise
ou au moins de certaines activités de l’entreprise
est l’objectif à atteindre. Pour cela il faut prévoir
que sous le couvert d’un moratoire souple, l’entreprise
puisse être cédée. Cela peut être prévu
dès le départ, cela peut s’imposer ensuite
en cas d’échec ou de réorientation d’une
procédure de réorganisation classique.
Le maintien de l’emploi est un facteur
décisif dans cette procédure de transfert. Ces transferts
ne sont pas nécessairement des cessions volontaires mais
peuvent également être des cessions forcées
et se déroulent, dans chaque cas, sous surveillance du
tribunal.
Une fois le transfert réalisé des
activités qui ont une rentabilité économique
actuelle ou potentielle, la personne qui a cédé
ses activités n’aura souvent plus beaucoup d’autres
recours que la faillite ou la mise en liquidation. La situation
de ces personnes n’en est pas moins plus favorable que si
elles avaient directement fait un aveu de faillite, et par ailleurs,
l’emploi est sauvegardé dans de meilleures conditions
et à un moindre coût social.
L’amendement veille aussi à ce qu’un
équilibre soit trouvé, lors des transferts, entre
les intérêts en présence: ceux de l’entreprise
cédante et acquéreuse, ceux des travailleurs de
l’entreprise ou de la partie de l’entreprise cédée,
ceux des créanciers: ce n’est que dans cet équilibre
retrouvé qui respecte à la fois la concurrence et
l’équité, que l’intérêt
général sera sauvegardé.
10.
L’amendement contient également quelques dispositions
de nature à assurer la neutralité fiscale de la
procédure. Elles ne diffèrent pas en substance du
droit existant actuellement en matière de concordat.
11.
Il va de soi que l’amendement ne porte pas atteinte à
la réglementation particulière contenue au sein
de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés
financières ainsi qu’à d’autres législations
à moins d’une disposition contraire.
12.
La présente proposition de loi relative à la continuité
des entreprises a fait l’objet d’un amendement global
qui s’appuie sur les travaux du groupe restreint d’experts
désignés par le ministre de la Justice Jo VANDEURZEN
à la suite de son audition, le 12 février 2008,
par la commission chargée des problèmes de Droit
économique et commercial de la Chambre et en accord avec
celle-ci. .
Ce groupe restreint d’experts était
dirigé par M. Ivan VEROUGSTRAETE, président de la
Cour de cassation, et composé (dans l’ordre alphabétique)
de MM. Thierry BOSLY, Peter COUSSEMENT, Jean-Philippe LEBEAU,
Michel TISON, Christian VAN BUGGENHOUT et Alain ZENNER. M. Toon
MUSSCHOOT y représentait le ministre de la Justice. Le
secrétariat en était assuré par M. Alain
VAN OUTRIVE et Mme Nathalie BARTHOLOME du S.P.F. Justice.
Chargé par le ministre de la Justice
de déterminer quelles adaptations paraissaient devoir être
apportées à la proposition et de proposer une rédaction
des amendements correspondants, ce groupe s’est inspiré
dans ses réflexions à diverses sources :
- les observations énoncées
par le Conseil d’Etat dans son avis du 18 septembre 2006
sur l’avant-projet de loi relative à la continuité
des entreprises, sur lequel était basée la proposition
éponyme;
- les considérations développées
par les divers intervenants entendus par la commission au cours
des auditions auxquelles elle a procédé du 27 novembre
2007 au 12 février 2008;
- les propositions de modification de certaines
dispositions de la proposition, ou de compléments de celles-ci,
émanant de chefs de corps des juridictions consulaires,
de leurs juges ou de leurs greffes;
- les observations reçues de l’Union
des juges consulaires de Belgique;
- les suggestions formulées par diverses
organisations professionnelles.
Le groupe de travail a bien évidemment
tenu compte des développements enregistrés depuis
la rédaction de la proposition de loi relative à la
continuité des entreprises en doctrine et en jurisprudence.
Profitant de l’apport de ses nouveaux membres, il a suscité
une nouvelle réflexion sur certains thèmes et a, partant,
reconsidéré certaines des solutions retenues dans
la proposition de loi. Il a pris en considération les nouvelles
législations étrangères en matière de
redressement judiciaire, sans omettre de veiller à ne pas
importer des solutions incompatibles avec notre culture d’entreprise.
Tout en étant conscient de ce que certaines dispositions
auraient été appropriées sur un plan purement
technique, il a bien sur veillé à ce que ses recommandations
soient susceptibles de faire l’objet d’un large consensus
politique, comme cela lui était demandé.
II. Commentaire des articles
Article 2
Cet article contient les définitions de quelques
concepts fréquemment utilisés dans le texte de l’amendement.
Les termes, qui sont ici usités, sont principalement des
termes utilisés dans une législation d’insolvabilité
et sont définis d’une manière compatible avec
le règlement 1346/2000/CE sur l’insolvabilité.
Dès son entrée en vigueur, la loi sera d’ailleurs
inscrite à l’annexe A du règlement européen
sur l’insolvabilité et sera selon sa nature entièrement
applicable à ce type de législation.
Les créances sursitaires sont celles qui
sont visées par la demande de sursis. Elles sont antérieures
au jour de la déclaration d’ouverture de sursis, ou
découlent d’une requête ou des décisions
prises dans le cadre de la procédure (par exemple une créance
qui naît du fait de l’application d’une clause
résolutoire en cas de réorganisation). Deux types
de créances sont visées: les créances sursitaires
ordinaires et les créances sursitaires extraordinaires.
Ces dernières qui bénéficient
d’un traitement particulier sont les créances garanties
par une sûreté réelle, c'est-à-dire un
gage ou une hypothèque, ou bénéficient d’une
garantie donnée par la rétention du droit de propriété
ou par le biais d’un privilège spécial.
Les créances de l'administration des impôts,
de la sécurité sociale et des créanciers privilégiés
généraux en général, constituent des
créances sursitaires ordinaires. La modification des droits
du fisc par rapport à la loi relative au concordat judiciaire
à pour objectif d'assurer, dans le cadre des procédures
visant au redressement de l’entreprise, et bien entendu sans
préjudice aux sûretés et privilèges institués
par la loi hypothécaire ou par des lois particulières,
le traitement égal de tous les créanciers, qu’ils
soient publics ou privés, et de faire en sorte que chacun
de ces derniers apporte sa juste part au redressement de l'entreprise
dans l'intérêt général.
Le créancier-propriétaire -l’expression
vient de l’ancienne loi sur le concordat- est principalement
le vendeur avec réserve de propriété, mais
la notion a une portée plus large. Le concept implique que
le droit de propriété et le droit de créance
soient unis par un lien d’étroite connexité,
la propriété de la chose étant supposée
garantir le paiement de la dette.
On songe par exemple, outre le vendeur avec réserve
de propriété, au bailleur de leasing ou au créancier
garanti par un transfert fiduciaire. Pour illustrer par un exemple
concret le lien devant exister entre la propriété
et la créance, il peut être précisé que
les biens donnés à la vente en consignation ne le
sont pas en garantie des ventes effectuées : tout en étant
créancier du chef des ventes effectuées et propriétaire
des marchandises consignées restant à vendre, le propriétaire
n'est donc pas créancier-propriétaire de celles-ci
au sens de la loi.
Il est cependant impossible de concevoir, et donc
d'énumérer, toutes les situations dans lesquelles
une partie à un contrat pourrait avoir la qualité
de créancier-propriétaire. La philosophie qui sous-tend
le présent amendement fait sienne l'évolution de la
Cour de cassation en matière de droits des créanciers,
que l’amendement entend consacrer, plus précisément
quant à la possibilité pour les parties de se constituer
librement, sur la base de l'opposabilité des contrats, toutes
formes de garanties conventionnelles (appelées en doctrine
tantôt «sûretés issues de la pratique»,
tantôt «mécanismes de garantie», tantôt
«garanties conventionnelles permettant d'échapper au
concours»), indépendamment de celles qui prennent la
forme de sûretés au sens de la loi hypothécaire
(Doc. Parl., Sén., 3-453/1, p. 12 et 13). On observera que
la Cour constitutionnelle a également suivi cette évolution
en constatant dans son arrêt n°107/2006 du 21 juin 2006,
pour justifier au regard du principe d'égalité le
mécanisme de compensation légale institué par
l'article 334 de la loi-programme du 27 décembre 2004, que
«l'évolution du droit de l'insolvabilité et
du droit des sûretés a multiplié les mécanismes
permettant aux créanciers de se prémunir contre le
risque d'insolvabilité de leurs débiteurs, en dérogation
au principe de l'égalité des créanciers ».
L’établissement principal est une
notion classique de notre droit et qui est utilisée dans
l’amendement comme le centre des intérêts principaux
de la personne physique. Conformément à l’article
3, 1 du règlement 1346/2000/CE sur l’insolvabilité,
le centre des intérêts principaux est présumé,
jusqu’à preuve du contraire, être le siège
social statutaire.
Le sursis est le moratoire accordé au créancier
qui a demandé une mesure de réorganisation. Ce moratoire
s’étend sur la période à partir de la
déclaration d’ouverture de la procédure jusqu’au
moment de la clôture (soit en principe six ou 12 mois plus
tard, exceptionnellement à une autre date).
Les modalités de notification et signification
sont tirées de la loi du 5 août 2006 relative à
la procédure électronique. Dans les procédures
collectives, il est logique de vouloir éviter un fatras administratif,
préserver les droits des tiers et un usage optimal de la
procédure électronique, et plus particulièrement
en ce qui concerne les contacts avec les créanciers. Il est
possible que, s’agissant des procédures collectives,
cette loi entre en vigueur plus tôt que celui relatif aux
procédures ordinaires et une reprise explicite était
dès lors utile.
Articles 3 et 4
Les débiteurs visés par la présente
proposition de loi sont notamment les commerçants, personne
physique ou personne morale, dont la commercialité est retenue
par l’article 1er du code de commerce. Le parallélisme
avec la loi sur les faillites est dès lors maintenu. Toutefois,
suite aux auditions de la Commission chargée des problèmes
de droit économique et commercial de la Chambre, il est apparu
souhaitable d’élargir le champ d’application
de la proposition, d’y ajouter les sociétés
agricoles visée à l’article 2, §3, du Code
des sociétés ainsi que toutes les sociétés
civiles à forme commerciale telles que visées par
l’article 3, §4, du même Code.
L’élargissement a pour conséquence
que la plupart des entreprises, pour lesquelles la législation
sera utile, sont concernées par la législation nouvelle.
Les associations, quelle que soit leur importance économique,
ne sont toutefois pas concernées. L’application de
la loi à ces associations aurait suscité des problèmes
multiples que l’actuel amendement qui avait un objet restreint
ne pouvait résoudre. Cette extension a également justifié
que la compétence d’attribution du tribunal de commerce
soit précisée. Ceci fait l’objet d’une
des dispositions modificatives de la présente proposition
amendée.
Les professions libérales telles que définies
par l’article 2 de la loi du 2 août 2002 seront le plus
souvent soumises à une réglementation disciplinaire,
qui comprend aussi une part de contrôle financier de la société,
sous laquelle les titulaires de professions libérales exercent
leur profession. Elles sont donc contrôlées et l’assistance
nécessaire et le conseil leur sont donnés. Cela signifie
aussi pour les titulaires de professions libérales opérant
sous la forme d’une société civile à
forme commerciale que les règles spécifiques qui existent
pour ces professions -par exemple le secret professionnel, l’observation
des règles de déontologie, les règles spécifiques
de responsabilité- auraient du être incorporées
dans la loi sur la continuité ce qui aurait provoqué
une différence dans l’application de cette loi et qui
aurait semblé délicat au regard de l’égalité.
Le terme neutre «débiteur» a
été choisi dans cette loi parce qu’il est applicable
à toutes les catégories d’intéressés.
Article 5
En général les dispositions du Code judiciaire
seront applicables aux procédures décrites dans cet
amendement. Ceci vaut notamment en ce qui concerne les voies de
recours, sauf quand une disposition expresse y déroge.
L’amendement indique que les intéressés
peuvent intervenir en suivant les formalités des articles
812 à 814 du Code judiciaire. Cette disposition était
nécessaire pour éviter toute ambiguïté
quant au statut de « partie » que peuvent avoir les
intéressés à la suite de contacts informels
ou plus ou moins formalisés avec le tribunal. Ceci permettra
de leur assurer une plus grande liberté dans leur action
et, en même temps, évitera à ceux qui sont déjà
partie, de devoir se demander qui il faut impliquer lors de l’exercice
d’une voie de recours.
Finalement la signature par un avocat d’une
requête n’est pas nécessaire, l’importance
économique des requêtes dans cet amendement étant
telle que le risque de dépôt d’une requête
à la légère doit être exclu. Le fait
de devoir prononcer en audience publique est la conséquence
logique du prescrit constitutionnel et de la Convention européenne
des droits de l’homme.
Article 6
Les notifications se font conformément au Code judiciaire
par pli judiciaire. Même si l’on peut entrevoir que
le pli judiciaire électronique se généralisera
à brève échéance allégeant d’autant
le travail des greffes et le tracas pour le justiciable, l’amendement
a veillé à remplacer tant que possible les notifications
par des communications qui se font par pli ordinaire, matériel
ou électronique.
Article 7
L’effet de la loi sur le concordat sur les législations
existantes à l’époque a fait l’objet de
controverses. Un principe d’interprétation de la portée
de l’amendement était utile. Ceci implique notamment
-sans que ceci ne soit limitatif- que la loi du 15 décembre
2004 sur les sûretés financières, la loi du
5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail
et comités paritaires et la CCT n°9 du 19 mars 1972 doivent
pouvoir sortir leurs pleins effets, sauf si un texte exprès
déroge à ces textes.
Articles 8 à 10
La loi actuelle sur le concordat connait deux méthodes
de collecte de données et de traitement. Il y a d’abord
la collecte des données organisée sous le contrôle
du président du tribunal de commerce qui exerce de la sorte
une surveillance raisonnée sur les entreprises de l’arrondissement;
il y a ensuite le traitement plus ciblé des entreprises de
l’arrondissement judiciaires par les chambres d’enquête
commerciale.
Ce système est pour l’essentiel maintenu
sauf que dorénavant la collecte des données est confiée
au tribunal dans son ensemble et donc à son greffe.
La collecte des données sera organisée
par les tribunaux de commerce avant même que ne débute
les enquêtes commerciales. Cette collecte des données
se déroule sous la responsabilité du président
du tribunal qui veille à ce que la collecte se passe correctement
et dans le respect des dispositions légales en particulier
les garanties en matière de respect de la vie privée.
A ce stade, le président peut également déterminer
les paramètres qui permettront de récolter et traiter
les données qui ont un sens sur le plan de la continuité
de l’entreprise et de ne pas traiter des données qui
pourraient aboutir à des enquêtes vexatoires et peu
respectueuses de la vie privée.
Comme l’indique l’article 8, la collecte
est autorisée mais les personnes concernées tout comme
le procureur du Roi peuvent prendre connaissance des données
ainsi recueillies. Elles peuvent également obtenir, par une
requête adressée au tribunal de commerce, la rectification
des données qui les concernent.
Les articles 9 et 10 concernent quelques sources
de données qui peuvent être utiles aux fins des enquêtes.
Ces sources ne sont pas substantiellement différentes de
celles dont dispose actuellement le tribunal de commerce. Ces sources
sont évidemment incomplètes et d’autres clignotants
devront compléter l’image de l’entreprise. Une
source particulière utile est par exemple le dépôt
tardif des comptes annuels qui n’est pas explicitement mentionné.
Il n’est pas productif d’imposer à trop d’instances
de communiquer des données au tribunal de commerce. Ces communications
obligatoires prennent du temps et ce pour un résultat souvent
mince. La communication des jugements pris contre les commerçants
devant les tribunaux de 1ère instance constitue une charge
disproportionnée.
Le dernier alinéa de l’article 10
donne délégation au Roi afin de permettre la collecte
et ou d’imposer la transmission des données, récoltées
notamment les organismes régionaux préventifs à
la faillite. Il s’agit de données autres que celles
mentionnées aux articles 8, 9, et 10, alinéas 1 à
4, de l’amendement. Le but étant de mieux connaître
la situation des débiteurs et de pouvoir évaluer l’état
financier de l’entreprise.
Article 11
Les données recueillies ne sont vraiment utiles
que lorsqu’elles sont caractéristiques pour la solvabilité
ou la liquidité de l’entreprise. Cela ne sert à
rien de ramasser des données sur toutes les entreprises de
l’arrondissement si ces données ne permettent pas de
poser un diagnostic valable. La taille exiguë des différents
arrondissements judiciaires impose également que des données
puissent être échangées entre arrondissements,
une entreprise d’une taille même modeste étant
quasi nécessairement active sur plus d’un arrondissement.
Cet échange ne peut bien se faire que si une certaine uniformité
existe dans le traitement des données. C’est le but
de l’alinéa 1er de l’article 11.
Par ailleurs, le traitement automatisé des
données s’impose. Certaines firmes privées le
font déjà et remettent d’ailleurs le résultat
de leurs travaux aux tribunaux. Ceux-ci devraient pouvoir améliorer
la qualité de leurs fichiers de données. Le comité
de surveillance de Phenix constitué en vertu de la loi du
10 août 2005 semble de par sa composition et proximité
de l’ordre judiciaire et de la Commission de la vue privée,
l’outil le plus adapté pour donner un avis quant aux
modalités de création de ces fichiers. Par ailleurs
le comité de gestion de Phenix devra veiller à la
mise en oeuvre de ce traitement et de son intégration dans
le système plus large de Phenix dont il fera partie.
Article 12
L’article 12 de l’amendement reprend en un
article toute la réglementation de l’activité
des chambres d’enquête commerciale. Cette activité
ressemble fort à celle déployée jusqu’à
présent par les chambres d’enquête commerciale,
et le texte de l’amendement ne s’écarte que sur
quelques points des concepts antérieurement acceptés.
Cet article précise bien que les objectifs poursuivis par
les chambres d’enquête commerciale sont la continuité
de l’entreprise et la protection des droits des créanciers,
car la première ne peut se faire au détriment de la
seconde.
Au paragraphe 1 il est précisé quel
type d’activité peut être déployé
par le juge (professionnel ou non) dans ce cadre. La collecte d’office
des données nécessaires implique que le juge bénéficie
d’une grande latitude d’action. Ainsi il pourra entendre,
même en l’absence du débiteur, toute personne.
On se souviendra que c’est une telle audition hors de la présence
du débiteur, qui a abouti à la condamnation de l’Etat
belge dans la célèbre affaire Anca (Cass.19 décembre
1991, A.C. 1991-92, n° 215). Il fallait donc expressément
prévoir, dans un texte de loi, cette possibilité.
Il est dorénavant prévu que lorsque le débiteur
s’abstient par deux fois de comparaître, le juge a la
possibilité de descendre sur les lieux afin de récolter
les données qui lui sont nécessaires. Cette «descente»
interviendra conformément aux règles spécifiques
du Code judiciaire et impliquera donc la présence d’un
greffier, ce qui est de nature à éviter un excès
dans le contrôle personnel par le juge
Le troisième paragraphe permet un échange
de données avec des organismes publics ou privés désignés
ou agréés pour assister les entreprises en difficultés.
La formulation est très large afin de couvrir les différentes
formes, notamment sur le plan des activités régionales.
Il fallait permettre un échange potentiellement fructueux
entre les tribunaux et les organismes publics et privés,
sans limiter a priori les modalités d’échanges.
Les enquêtes commerciales se clôturent
par un rapport du juge à la chambre d’enquête
commerciale. Celle-ci peut-mais ne doit pas- communiquer les résultats
de l’enquête au procureur du Roi s’il apparait
que le débiteur est en état de faillite ou qu’il
réunit les conditions d’application de l’article
182 du Code des sociétés. Dans l'ancien droit, la
communication au Ministère public apparaissait comme une
obligation, dès lors qu'une situation d'insolvabilité
apparaissait comme contraire à l'ordre public. Cette façon
de voir est dépassée et était contestable dans
la mesure où des magistrats du siège se voyaient imposer
une obligation à l’égard du parquet Sans doute
l'intérêt général postule-t-il que des
situations d'insolvabilité soient mises sous contrôle,
mais l'évolution générale de la pensée
est que cette situation ne menace pas nécessairement l'ordre
public. Imposer à des magistrats du siège de communiquer
les dossiers au parquet semblait dès lors inadéquat.
La seule faculté de le faire est maintenue.
Finalement l’article indique qu’il
y a une incompatibilité entre la participation à la
chambre d’enquête commerciale et celle de juge dans
une procédure collective subséquente.
Les décisions prises par les chambres d’enquêtes
commerciales ne sont pas des jugements proprement dits mais constituent
néanmoins des actes attaquables et qui peuvent faire grief.
Pour permettre un recours l’article 610 du Code judiciaire
a été modifié et un recours en annulation contre
les décisions des chambres d’enquêtes est permis.
Cette modification se trouve à l’article 77 de l’amendement.
Article 13
Cet article contient une innovation qui est née
des demandes des praticiens de l’insolvabilité. Le
débiteur peut demander la désignation d’un médiateur
d’entreprise en vue de faciliter la réorganisation
de son entreprise. Cette possibilité existe également
lorsque le débiteur fait l’objet d’une enquête
commerciale.
Le droit a fait, dans la plupart des Etats, la
découverte des « médiateurs ». La notion
de « médiateur d’entreprise » s’inspire
du médiateur du droit commun. La médiation au sens
générique se définit comme «un processus
de communication éthique reposant sur la responsabilité
et l’autonomie des participants dans lequel un tiers -impartial,
indépendant, neutre, sans pouvoir décisionnel ou consultatif,
avec la seule autorité que lui reconnaissent les «
médiateurs »- favorise par des entretiens confidentiels
l’établissement, le rétablissement du lien social,
la prévention ou le règlement de la situation en cause»
(Michèle Guillaume-Hofnung, « La médiation »,
PUF 2007, 71. Le médiateur d’entreprise a certes un
rôle plus actif dès le départ que celui joué
par le médiateur de droit commun, mais restera attentif au
fait que son rôle n’est pas celui d’un administrateur
provisoire. Il pourra agir comme intermédiaire entre les
créanciers et le débiteur et pourra amener le débiteur
à réfléchir à sa stratégie d’entreprise.
L’amendement a voulu, à dessein, éviter
d'organiser la médiation selon les modalités strictes
du Code judiciaire. Cette désignation, qui se déroule
dans le cadre d’une procédure gracieuse fait qu’il
faut ménager une grande flexibilité dans cette désignation.
A cette fin, il est prévu que la désignation n’est
soumise à aucune règle de forme et peut même
être formulée oralement, tel qu’il est d’usage
dans une procédure gracieuse. A dessein aussi, l’amendement
ne met pas d'exigence quant à l'agréation du médiateur
ou quant à sa formation préalable. La vie des affaires
permettra de désigner la personne la plus adéquate,
mais une formation préalable du médiateur en tant
que médiateur de droit commun est naturellement utile.
En ce qui concerne cette disposition, il peut également
être mentionné que dans certains arrondissements judiciaires,
de bonnes pratiques ont été développées,
et celles-ci pourraient servir de modèles pour d’autres
tribunaux (par exemple le Tribunal de commerce de Charleroi).
Article 14
Cette disposition vise essentiellement à permettre
aux intéressés de solliciter la désignation
d’un mandataire de justice selon les formes du référé,
lorsque des manquements graves et caractérisés menacent
la continuité de l’entreprise. Ils ont sans doute déjà
cette possibilité en droit commun et l’article 14 ne
veut pas innover en cette matière : la désignation
en référé d’un administrateur provisoire
est toujours possible.
Dans ce cas il s’agit d’une hypothèse
particulière, c’est celle où la situation de
l’entreprise est grave et préoccupante et où
la désignation d’un mandataire de justice peut permettre
de garantir la continuité de l’entreprise. Cette disposition
est différente de celle présentée à
l’article 28. La mesure ne vise pas à déposséder
le débiteur de la gestion de l’entreprise mais tend
à permettre au président du tribunal de prendre, dans
des cas graves et patents, des mesures spécifiques et limitées
qui devraient permettre de préserver la continuité
de l’entreprise.
Le président du tribunal (agissant selon les formes du référé)
précisera dans son ordonnance la mission du mandataire.
L’article ne contient pas de précision
autre que celles qui apparaissent dans le texte. Il n’y avait
pas lieu d’être plus explicite : l’article ne
fait que répéter ce que dit le droit commun.
L’article ne règle pas explicitement
le sort des frais ni de la procédure ni ceux causés
par l’activité des mandataires de justice. C’est
donc le droit commun qui s’applique et le juge pourra délaisser
ces dépens au demandeur, compenser les dépens ou les
réserver selon le cas.
Article 15
Le sauvetage de l’entreprise en difficulté
s’effectue bien souvent en toute discrétion, par le
biais d’accords conclus en dehors de toute procédure
qui pourrait donner une mauvaise image de l’entreprise et
par ailleurs est inévitablement accompagnée de certaines
rigidités.
Le débiteur peut toujours conclure un accord avec ses créanciers,
axé sur le redressement de la situation du débiteur
et sur le réaménagement de son passif. Cette forme
d’accord est fort fréquente tant dans la sphère
nationale qu’internationale.
L’accord amiable est de nature contractuelle
et donc a pour double caractéristique que les parties en
conviennent librement et que cet accord n’oblige pas les tiers.
A première vue, il pourrait sembler inutile de légiférer
dans la mesure où la liberté des conventions semble
permettre d’atteindre le résultat souhaité.
Néanmoins il était opportun à la fois de canaliser
cette possibilité de conclure des accords et de donner une
chance supplémentaire aux entreprises qui concluent de tels
accords.
Mettre sur le bon chemin d’abord.
L’accord n’oblige, selon le texte,
pas les tiers. C’est la reproduction de l’article 1165
du Code civil avec toutes les nuances et richesse d’interprétation
que cet article contient et qui sont bien connues par les praticiens
du droit. L’accord amiable conclu par le débiteur avec
certains créanciers ne peut avoir ainsi pour objet d’affaiblir
économiquement certains créanciers non concernés
par l’accord, même si dans les faits cela pourra indirectement
frapper ces créanciers. En pratique les tiers qui ne participent
pas à l’accord amiable seront souvent gagnants car
non seulement l’accord ne peut être conclu en fraude
de leurs droits, mais en plus l’accord amiable aura souvent
pour portée de désintéresser les petits créanciers
par priorité pour simplifier la gestion du concordat amiable.
Favoriser la conclusion de ce genre d‘accords
ensuite.
L’accord amiable prévu dans cet article
déroge de façon très claire au droit antérieur
qui était de nature jurisprudentielle et qui souffrait d’une
grande incertitude due à l’insistance mise par certains
tribunaux sur une application mécanique et aveugle du principe
de l’égalité. L’accord amiable nouveau
doit être conclu par le débiteur avec au moins deux
de ses créanciers. C’est une différence majeure
avec le droit antérieur selon lequel un accord amiable valable
exigeait un accord avec tous les créanciers, les cas dans
lesquels un ou plusieurs créanciers s’opposaient à
l’accord amiable devant être réglés par
la voie du concordat judiciaire. Ceci était parfaitement
étranger à la vie réelle : le concordat n’est
depuis longtemps plus une solution à ce genre de situation.
La distinction entre l’accord amiable et d’autres formes
de sursis est fondée sur l’intervention judiciaire
ou son absence et non plus sur l’idée que l’accord
amiable doit nécessairement impliquer de façon égalitaire
tous les créanciers. Cette exigence d’une stricte/absolue
égalité constituait un obstacle à la conclusion
d’un tel accord amiable.
Les accords amiables ne peuvent réussir
que si le débiteur et les créanciers concernés
s’y retrouvent. Ceci signifie en pratique que les créanciers
ne souscriront à un tel accord que dans la mesure où
les opérations effectuées régulièrement
pendant la période d’exécution de l’accord
ne peuvent être remises en question. Aucun créancier
ne consentirait ainsi à des délais si les paiements
effectués pendant la période de l’accord amiable
pouvaient être remis en question (le créancier avec
lequel a été conclu un accord connaît en principe
effectivement la situation du débiteur).
Permettre les accords amiables n’a de sens
que si en parallèle les paiements effectués sans fraude
au cours des six mois précédant la faillite subséquente
à l’échec de l’accord amiable sont opposables
à la masse des créanciers, si une faillite venait
plus tard. Faute de quoi les accords amiables se verraient dès
le départ obérés irrémédiablement,
car comment un créancier avec lequel un accord amiable est
conclu pourrait-il faire valoir ultérieurement qu’il
ignorait l’état de son débiteur?
Faciliter les accords conclus sans fraude est le
but du troisième alinéa de l’article 15. Cet
alinéa rejoint une tendance croissante des droits étrangers
de limiter ou de supprimer la notion de période suspecte,
particulièrement en cas de procédure de réorganisation
(l’article 67 de la récente loi italienne sur la faillite
est un exemple typique de cette tendance). Sans doute cette limitation
de l’effet d’une future période suspecte ne doit-elle
pas encourager la fraude aux droits des créanciers et l’action
paulienne reste possible en cas de fraude du créancier ou
du débiteur.
Une limitation formelle est en outre imposée
pour que soit acquis que les paiements effectués restent
opposables en cas de faillite ultérieure. Il faut que l’accord
amiable mentionne qu’il est conclu en vue d’assainir
la situation financière ou la réorganisation de l’entreprise
et est déposé dans un dossier ad hoc au greffe du
tribunal de commerce. Ce dépôt n’est pas une
obligation mais est une possibilité pour le débiteur
qui lui permettra d’avoir date certaine et donc une protection
lors d’un recours en vue d’une application des articles
17, 2°, et 18 de la loi sur les faillites.
Un accord amiable doit rester discret pour ne pas
ébruiter des pertes sur le crédit. C’est pourquoi,
l’amendement prévoit que l’acte qui est déposé
au greffe n’est accessible aux tiers, qu’avec l’accord
du débiteur.
Cette obligation de discrétion ne peut être
interprétée dans ce sens qu’elle permettrait
d’écarter les représentants des travailleurs
des informations auxquels ceux-ci ont droit. Le débiteur
reste tenu des obligations qui sont les siennes envers les travailleurs
et leurs représentants. Rien n’est modifié à
cet égard par le présent article. C’est le débiteur
ou ce sont ses organes qui doivent informer les travailleurs mais
bien entendu cette tâche n’incombe pas au greffier du
tribunal.
Article 16
Cet article et les suivants visent les procédures
judiciaires et non les réorganisations qui sont effectuées
par voie conventionnelle. La procédure appelée dorénavant,
pour éviter toute confusion avec le droit antérieur,
« procédure en réorganisation judiciaire »,
a un seul but : préserver la continuité de l’entreprise
en difficulté, d’une partie de celle-ci ou de tout
ou partie de ses activités.
« Préserver la continuité de
l’entreprise », tend à la préservation
de l’entité socio-économique elle-même,
c’est-à-dire à cet ensemble de moyens humains
et matériels rassemblés en vue de la production de
biens ou de services. L’entreprise est à distinguer
de l’enveloppe juridique qui la recouvre, à savoir
la société commerciale ou la personne physique exerçant
l’activité économique.
« Préserver les activités »
fait référence à l’activité économique
partiellement détachée de son support. La formulation
est à dessein très large pour éviter que des
interprétations ne dénaturent la volonté du
législateur : il s’agit bien d’assurer que dans
des conditions économiques adéquates des problèmes
de nature structurelle ou accidentelle puissent être résolus.
La demande peut également poursuivre un
objectif propre pour une activité ou pour une partie des
activités de l’entreprise, et pour l’entreprise
ou une partie de l’entreprise, ce qui n’empêche
pas évidemment que le débiteur en tant que personne
morale ou physique sera nécessairement touché par
le sursis.
La technique consiste à favoriser la continuité
sous trois aspects ou sous l’angle de trois objectifs potentiels
avec un dénominateur commun qui est un moratoire temporaire
et une fin à atteindre : une continuité solidement
charpentée.
Les trois aspects sont les suivants : (i) un accord
amiable négocié pendant le moratoire, (ii) un plan
de réorganisation et finalement (iii) un transfert sous autorité
de justice. Ces objectifs peuvent d’ailleurs être combinés.
Une entreprise qui a des champs d’activité multiples
peut vouloir envisager un transfert pour une activité et
pour le reste faire un plan de réorganisation.
Article 17
La procédure est ouverte par voie de requête
adressée au tribunal de commerce compétent. Le débiteur
doit en principe produire tous les documents permettant au tribunal
de se faire une idée quant à la situation du débiteur.
Il est toutefois illusoire et peu productif de mettre des barrières
procédurales à ce stade : le débiteur aux abois
est rarement en état de produire des éléments
très fiables. Le désordre des affaires étant
d’ailleurs parfois la cause des difficultés qu’il
rencontre.
Le paraphe 2 de l’article distingue les pièces
que le débiteur doit immédiatement déposer
avec sa requête de celles qu’il peut encore déposer
ultérieurement ou compléter ultérieurement.
Celles qu’il doit déposer avec sa
requête (§2, 1° à 4°) sont celles qu’il
a pratiquement nécessairement en sa possession et dont le
greffier peut vérifier, sans examen approfondi, qu’elles
sont effectivement les pièces exigées.
Il est particulièrement important que l’entreprise
expose pourquoi selon elle la continuité est menacée,
car cela constituera la base de la décision future du tribunal.
C’est comparable à une procédure en référé
: le demandeur en référé doit formellement
avancer qu’il y a urgence, autrement sa réclamation
n’est pas recevable. L’indication de l’objectif
poursuivi (qui pourra d’ailleurs être modifié
plus tard), l’indication de l’adresse électronique
si possible et la copie des derniers comptes annuels ou déclaration
d’impôts, sont autant d’éléments
qu’il est aisé d’assembler.
Les données des numéros 5 à
8 peuvent être complétées par après.
Pour cela, le débiteur dispose d’un délai de
14 jours pendant lequel il jouit déjà d’un moratoire.
Certains éléments peuvent être difficilement
directement déposés : la mention des sûretés
et des autres garanties est dans notre droit un défi, étant
donnée la complexité du régime des sûretés.
Reproduire la liste complète des créanciers
est aussi une tâche complexe mais très importante pour
l’appréciation de la situation de l’entreprise
et de son crédit. Tous les créanciers doivent être
mentionnés même ceux qui à première vue
n’ont rien à voir avec le sursis. Ceci est nécessaire
pour avoir une vue complète de la situation du débiteur.
Si le débiteur ne produit pas tous les éléments
requis par la loi, il n’appartiendra pas au greffier d’apprécier
cet élément et de refuser le dépôt de
la requête. Ce sera au tribunal à tirer les leçons
du manquement commis.
Le procureur du Roi est informé rapidement
du dépôt, ce qui lui permettra d’assister, s’il
le souhaite, à toutes les opérations de la procédure.
Il s’agira pour le procureur du Roi de déterminer si
cette participation relève des activités qu’il
estime importantes ; l’amendement n’impose plus sa présence
que dans des cas très limités, mais le procureur du
Roi peut estimer que l’intérêt général
exige dans certains cas sa présence et intervention.
Article 18
Sous le concordat ancien un commissaire au sursis était
désigné dans tous les cas et le tribunal de commerce
ne désignait pas de juge délégué. L’expérience
a révélé que la désignation d’un
commissaire au sursis n’était pas utile dans tous les
cas et pouvait constituer, par son coût, un obstacle important
pour les petites entreprises. Le rôle des commissaires au
sursis est par ailleurs resté ambigu.
L’amendement propose que dans tous les cas
un juge délégué soit désigné
qui soit chargé de faire rapport au tribunal et de surveiller
les opérations pendant toute la durée du sursis.
Le juge délégué reçoit
en outre certaines missions précises qui permettront d’alléger
les formalités du sursis.
Le juge délégué est par ailleurs
désigné dans les cas où le sursis a pris fin
(et donc également son mandat) et où le tribunal décide
d’ordonner le transfert de l’entreprise.
Le juge délégué doit entendre
le débiteur au début de sa mission. Par ailleurs il
lui est loisible d’entendre tels créanciers ou autres
personnes qu’il estime souhaitable d’entendre, mais,
contrairement à ce qui est prévu dans le contexte
des enquêtes commerciales, le juge délégué
ne peut entendre les autres personnes hors présence du débiteur
ou sans que celui-ci n’ait été convoqué.
Les droits de la défense doivent être à ce stade
pleinement respectés.
Article 19
Cet article précise certains devoirs du juge délégué.
Comme les formalités de la réorganisation ont été
réduites tant que faire se peut, la loi attire l’attention
du juge délégué sur certaines formalités
à accomplir dans l’intérêt de la protection
de tiers. Dans un esprit de simplification la loi permet au juge
délégué de moduler l’obligation d’information
-dans les limites autorisées par le droit européen-
notamment afin de permettre un usage efficace de moyens électroniques
ou de moyens d’information autres qu’individuels.
Article 20
Le greffier tient le dossier de la procédure, comme
pour les affaires de faillite. Par le dossier de la procédure
en réorganisation on entend le dossier qui contient à
la fois l’historique des évènements de la procédure
comme l’inventaire et les pièces déposées
ou présentées.
Afin de faciliter l’accès au dossier,
il faudra sans doute lui donner rapidement une forme électronique.
Et pour nourrir le dossier il sera incontestablement utile que les
créanciers puissent indiquer leur créance par cette
voie. C’est ainsi que sont organisées les procédures
collectives dans beaucoup de pays. Afin de permettre une introduction
pragmatique et progressive du système, un pouvoir de décision
a été accordé au juge délégué.
Des systèmes tout faits sont disponibles qui devraient permettre
des essais en cette matière. En attendant l’avènement
électronique, tout se passe suivant la méthode classique:
chaque créancier ou toute autre personne ayant un intérêt
légitime peut prendre connaissance du dossier et en recevoir
copie moyennant paiement des droits de greffe si la personne concernée
veut une version papier (une consultation ou une copie électronique
est gratuit).
Cet article précise en plus que le dépôt
d’un titre dans le dossier de la procédure par un créancier
à la même valeur qu’un acte interruptif de la
prescription de sa créance et qu’une mise en demeure.
Ceci est bien sûr un incitant majeur pour déposer une
créance.
Article 21
Cet article permet au tribunal de demander des pièces
supplémentaires de nature à éclairer sa décision,
quand il existe des présomptions graves, précises
et concordantes qu’un tiers ou le débiteur détiennent
de telles pièces. Cette disposition est une concrétisation
des articles 877 et suivants du Code judiciaire et permet au tribunal
en outre de recevoir des données des fournisseurs ou institutions
financières que ces derniers ne donneraient pas autrement.
Il est à noter que le tribunal doit prendre en considération
les règles de déontologie, de responsabilité
professionnelle ou de secret professionnel des professions libérales
et doit aussi tenir compte de l’obligation de discrétion
des institutions financières.
Article 22
Cet article décrit les effets du dépôt
de la requête en réorganisation judiciaire. Ces effets
sont très limités. Aucune publicité n’accompagne
le dépôt de la requête afin de permettre au requérant
de mettre en place le dispositif du sursis sans subir les conséquences
négatives d’un tel dépôt sur son crédit.
Ces conséquences sont également d’application
dans l’hypothèse d’un transfert sous autorité
de justice comme déterminé à l’article
59, §2, de cet amendement. Dans la pratique, cela signifie
qu’aucune mesure collective ne peut être prise dans
les quelques jours entre le dépôt de la requête
et ou la citation visée à l’article 59, §2,
et le jugement Une faillite ou la dissolution judiciaire pourrait
mettre en danger le sursis avant que le tribunal ne rende son jugement.
La priorité que la réorganisation reçoit de
la sorte est toutefois uniquement provisoire : la faillite peut
être déclarée par après notamment en
cas d’échec de la réorganisation ou après
la cession des actifs
Les ventes sont également exclues dans le
même but, permettre à la réorganisation d’avoir
une chance, ce qui dans la perspective d’un maintien de l’activité
de l’entreprise ou de l’entreprise elle-même est
prioritaire.
Article 23
Le texte de l’amendement met une condition à
l’ouverture de la procédure. Il ne peut s’agir
d’ouvrir la porte à des abus de procédure et
à un recours excessif à la procédure de réorganisation.
Il faut éviter que les entreprises saines soient la victime
d’une décision judiciaire permettant d’isoler
une entreprise de ses créanciers. Par contre, il faut tout
autant éviter que, par pusillanimité ou interprétation
littérale, des juges estiment ne pouvoir déclarer
la procédure ouverte que si l’entreprise n’a
pas cessé ses paiements. La procédure peut donc également
être ouverte si l’entreprise est en réalité
en faillite mais que suivre la procédure en réorganisation
est plus avantageuse pour la communauté et les créanciers
qu’une faillite classique.
Il faut mais il suffit que la continuité
de l’entreprise soit menacée à court ou moyen
terme, selon l’appréciation du débiteur, et
que la procédure de réorganisation puisse apporter
un élément de solution au maintien total ou partiel
de l’activité économique.
Pour éviter tout abus il est précisé
que le débiteur qui a demandé et obtenu un sursis
ne peut plus le demander dans les trois ans, si ce n’est pour
demander le transfert de tout ou partie de l’entreprise ou
de ses activités.
Article 24
Le délai laissé au tribunal pour statuer est bref.
Il ne peut être long été donné le caractère
encore secret des effets de la requête. Le délai devrait
être suffisant étant donné le caractère
limité du contrôle que le tribunal doit exercer sur
la demande à ce stade de la procédure. Une convocation
de trois jours francs devrait suffire pour permettre au débiteur
de préparer l’audience. Le requérant pressé
d’obtenir une décision pourra renoncer au délai
: le délai ne touche pas l’ordre public. Le débiteur
sera normalement entendu en chambre du conseil, à moins qu’il
ne donne expressément son accord à être entendu
en audience publique.
La durée du sursis est fixée par
l’amendement à six mois. Dans des circonstances normales,
ce délai devrait être suffisant pour élaborer
un plan, ou assurer le transfert de l’entreprise ou de ses
activités, ou encore de négocier un concordat amiable.
Un délai plus long ferait peser sur les créanciers
un poids considérable, ce qui peut mener à une désorganisation
de notre économie ouverte et des systèmes existants
de crédit. Dans les circonstances déterminées
à l’article 38, le délai peut être prolongé
d’un délai de 12 mois maximum. L’exécution
du plan peut, elle, prendre considérablement plus de temps
tout comme l’exécution du transfert ordonné
par le tribunal.
Les formalités peuvent être simplifiées
quand le débiteur envisage une procédure avec plan
de réorganisation et exprime cette intention : le juge saisi
peut déjà établir le canevas de la procédure.
C’est l’objet du paragraphe 3.
Article 25
Cet article précise que le président du tribunal
est informé par le greffier de tout rejet de la demande.
Le débiteur se retrouve comme avant le dépôt
de la requête et le droit commun reprend ses droits. Dans
un cas pareil, il n’est évidemment pas exclu que le
débiteur décide de sa mise en liquidation ou encore
décide de faire l’aveu de la faillite.
Le président du tribunal doit être
informé du rejet car il peut au besoin prendre des mesures
qui sont déterminées sous l’article 8 de la
loi sur les faillites.
Article 26
Cet article règle les modalités de publication du
jugement qui déclare ouverte la procédure en réorganisation.
Cette publication est semblable à celle qui est ordonnée
en cas de concordat sous l’empire de la loi du 17 juillet
1997 mais est simplifiée.
Le débiteur doit aviser les créanciers
repris dans la liste qu’il a déposée ainsi que
les créanciers qui se seraient manifestés depuis lors.
Si la demande est rejetée, il n’y
a pas de raison de publier ce rejet au Moniteur belge. Par contre
le rejet doit être notifié au requérant afin
que les délais de recours puissent commencer à courir
à son égard. La date à prendre en compte sera
la date à laquelle le débiteur aura reçu la
notification ou pourra être présumé l’avoir
reçue.
Article 27
Dans des procédures en réorganisation de
grande ampleur, il peut se justifier qu’une assistance soit
donnée au débiteur par un mandataire de justice qui
aura sans doute la confiance du tribunal mais surtout assistera
le débiteur dans son redressement. C’est une mesure
qui en principe ne sera pas imposée au débiteur. Mais
si celui-ci le souhaite, la mesure sera accordée et le mandataire
de justice sera tenu au courant par le greffe de toutes les opérations
en cause. Il ne sera pas partie au sens propre et les créanciers
ne sont pas tenus de lui faire des significations ou communications.
Dans les grandes entreprises particulièrement,
il peut être souhaitable que cette assistance soit fournie
même si le débiteur a priori ne le souhaite pas. Cela
peut notamment être une exigence des donneurs de crédit
de voir assister l’entreprise par un expert. C’est le
but du paragraphe 2. Pour demander une telle mesure, il faut que
le demandeur, comme dans toute procédure d’ailleurs,
démontre un intérêt légitime né
et actuel. Celui qui demande la mesure devra en assumer les dépens
: c’est une exigence qui est de nature à freiner des
demandes qui pourraient être inutiles voire nocives pour l’entreprise.
Article 28
La réorganisation judiciaire est une procédure qui
n’implique pas nécessairement une dépossession.
En d’autres mots, le débiteur reste en principe responsable
de la gestion de ses affaires.
Dans le droit commun, il est déjà possible de nommer
un administrateur provisoire à la demande de tout intéressé
dans l’hypothèse une entreprise est en danger à
la suite de fautes lourdes des dirigeants. Ces mesures prises en
référé sont nées d’une interprétation
jurisprudentielle. C’est cette procédure de droit commun
qui est présentement concrétisée dans le cadre
de la réorganisation judiciaire. C’est une tâche
qui est confiée à une chambre du tribunal normalement
composée et non à son président vu la nature
de la décision à prendre (un dessaisissement). Autre
précaution : le juge délégué fera rapport.
Cette mesure doit pouvoir être prise rapidement et retirée
aussi vite car elle reste une mesure d’exception. Elle se
distingue de la mesure reprise à l’article 14 de l’amendement
à plus d’un point de vue : la procédure, le
fait que cette mesure-ci soit prise dans le cadre d’une procédure
de réorganisation déjà entamée et finalement
la nature bien plus fondamentale des mesures qui peuvent être
prises et qui entraînent le dessaisissement.
Article 29
Le requérant débouté de sa demande
ne pourrait faire opposition, même s’il n’a pas
comparu, mais pourra former appel selon les modalités qui
sont celles du droit commun, si ce n’est que le point de départ
du délai sera la notification au débiteur et que le
délai sera très bref : huit jours. La situation d’incertitude
ne peut durer et les cours d’appel doivent, étant donné
les effets du sursis et les effets du rejet de la demande, traiter
ces affaires de façon prioritaire.
Les tiers pourront faire tierce opposition au jugement au jugement
déclarant ouverte la procédure ou rejetant la demande,
dans la mesure bien entendu où ils disposent d’un intérêt
légitime.
Article 30
Les créances sursitaires sont affectées par
le jugement dans les limites qui seront décrites aux articles
30 à 37.
Le premier effet, visé par l’article
30, est d’empêcher les voies d’exécution
qui ruineraient les possibilités de trouver une solution
équilibrée aux problèmes de l’entreprise.
Un autre effet qui prolonge d’ailleurs celui
découlant du dépôt de la requête est que
pendant la période de sursis, le débiteur ne peut
être déclaré en faillite ou dissous judiciairement.
Article 31
Cet article décrit une des conséquences du
sursis.
La possibilité de saisir pendant la période
de sursis est exclu. Le moratoire offre une protection absolue au
débiteur pendant cette période et même les saisies
antérieures peuvent être levées, mais l’article
met des limites à cette possibilité tant de forme
(le rapport du juge délégué) que de fond (l’absence
de préjudice significatif).
Article 32
Les créances, qui sont donnés en gage à des
tiers et pour lesquels le débiteur a déjà reçu
de la part du créancier-gagiste un paiement, doivent pouvoir
être encaissées par le créancier-gagiste. Il
serait inconvenant, par exemple, que le débiteur puisse encaisser
une deuxième fois le montant d’une facture alors qu’il
avait donné cette créance en gage du remboursement
d’un prêt sur facture. La disposition concerne les créances
qui sont données spécifiquement en gage et ne vise
par exemple pas les créances qui seraient comprises dans
un fonds de commerce.
Article 33
Le sursis n’empêche pas le débiteur de faire
des paiements volontairement – le débiteur peut y voir
un avantage- mais les paiements ne peuvent pas être de telle
nature qu’ils mettent l’entreprise en péril ou
encore ne peuvent être frauduleux.
Les codébiteurs et débiteurs de sûretés
personnelles ne peuvent bénéficier du sursis. La procédure
est caractérisée par la continuité et il n’y
a pas de raison de perturber le crédit (et donc de le rendre
plus cher) en faisant bénéficier les codébiteurs
ou autres sûretés personnelles du moratoire à
un moment où leur garantie a précisément son
utilité. Néanmoins il a paru utile d’appliquer
le droit commun du cautionnement tel qu’il figure au Code
civil et donc de faire bénéficier dans certaines conditions
les cautions et codébiteurs du sursis. L’action directe
de l’article 1798 du Code civil est maintenue. Le parlement
a toujours souligné l’importance de la protection des
sous-traitants qui pourraient devenir victimes d’un effet
de domino.
Finalement les inopposabilités de la période
suspecte sont écartées dans la même mesure qu’elles
ont été écartées pour le concordat amiable.
Article 34
Le sursis ne fait pas non plus obstacle à la compensation
dans la mesure où il y a un lien objectif entre les créances.
Le texte tient ainsi compte à la fois de la jurisprudence
de la Cour de cassation (arrêt du 1er juin 2006 en cause BASF
(http://jure.juridat.just.fgov.be)) et de la loi du 15 décembre
2004.
Article 35
Le paragraphe 1 de cet article mentionne que nonobstant
toute disposition contractuelle contraire la demande d’attribution
d’une réorganisation judiciaire n’implique pas
la fin des contrats en cours ni de leurs modalités d’exécution.
Ce principe de base s’applique cependant,
sous réserve de l’article 14 de la loi du 15 décembre
2004 concernant les sûretés financières, dans
la mesure où l’application des conditions résolutoires
ou des clauses résolutoires ont pour objet une exécution
effective de la compensation (c’est-à-dire il y a effectivement
des dettes et des créances réciproques, et on passe
effectivement à une compensation).
La continuité implique que le débiteur continue à
exécuter ses contrats: la situation n’est pas la même
qu’une faillite dont le but doit être normalement la
liquidation des actifs. Et le régime de l’article 35
se distingue ainsi nettement de celui de l’article 46 de la
loi sur les faillites, singulièrement dans l’interprétation
large que la jurisprudence de la Cour de cassation lui a donnée
(Cass. 10 avril 2008, R.D.C 2008, 454, note).
Il n’est toutefois pas impossible que durant la période
de sursis le débiteur soit contraint de facto de ne plus
exécuter un contrat. Cette situation qui lui est imputable
ne le dégage pas de sa responsabilité et il devra
le cas échéant, s’il cause un dommage, payer
un dédommagement. Le droit à un dédommagement
sera une créance sursitaire mais en revanche le débiteur
doit avertir correctement ses créanciers et que la non-exécution
doit être strictement nécessaire pour la réussite
de la réorganisation.
Les clauses pénales ou les clauses d’intérêt
ne peuvent être acceptées que dans certaines limites.
Elles ne peuvent pas aboutir à ce que leur application fasse
s’effondrer une entreprise à partir du moment où
le sursis se termine. L’amendement place le créancier
devant un choix et adoucit les conséquences de ces clauses
pour le débiteur sans avoir trop de désavantages pour
le créancier.
Article 36
Cet article fait une différence entre les créances
nées avant ou après le jugement d’ouverture
de la procédure. Pour les contrats à prestations successives,
on examinera à quelle date les prestations ont été
fournies.
Article 37
Pour assurer la confiance des contractants du débiteur,
facteur essentiel pour la continuité de l’entreprise,
il faut donner un droit de priorité à ce contractant
au cas où la procédure en réorganisation serait
un échec. Faute de donner de telles assurances aux contractants
du débiteur, celui-ci serait confronté avec des créanciers
exigeant le paiement comptant.
Dans le droit du concordat de la loi du 17 juillet
1997, le contractant bénéficiait d’un super-privilège
qui lui donnait la primauté par rapport à tous les
créanciers du failli et ce par le biais d’une fiction
juridique qui voulait que les engagements conclus avec l’assentiment
du commissaire au sursis soient considérés comme des
dettes de masse.
Le commissaire au sursis n’étant plus
un des organes de la procédure de réorganisation,
une autre solution s’imposait.
Dans le nouveau texte, les nouvelles obligations
sont à considérer comme des dettes de masse dans une
procédure collective subséquente. Cela renforce sans
doute à un très haut degré le crédit
du débiteur. Il y a pourtant une limite : ces dettes ne sont
pas prioritaires sur les titulaires d’un droit réel
quand dans la procédure collective subséquente ses
actifs seront liquidés. Le conflit de priorité avec
les droits des créanciers gagistes ou hypothécaires
ou des créanciers-propriétaires sera décidé
à l’avantage du contractant si les prestations ont
contribué au maintien de la sûreté ou de la
propriété.
Les créances dont il s’agit sont celles
qui seront introduites dans une procédure collective subséquente
qui découle directement de l’échec de la procédure
ou qui est étroitement liée à cet échec.
Cette dernière possibilité est inspirée par
une décision de la Cour constitutionnelle du 22 juin 2005.
Article 38
La période des 6 mois du sursis peut dans certains
cas sembler être trop courte ou trop longue. Le débiteur
a la possibilité de raccourcir cette période et utilisera
cette possibilité lorsque ses propositions sont prêtes
ou encore lorsque dès le dépôt de la requête
il avait déjà envisagé un transfert d’entreprise
et fait les préparatifs nécessaires pour l’assurer,
par exemple en ayant déjà entamé une concertation
sociale.
Dans certains cas, la période semblera trop
courte pour pouvoir planifier des réorganisations complexes.
La période peut être prolongée suivant une procédure
simplifiée mais le ou les prolongements accordé(s)
ne peu(ven)t pas au total dépassé les 12 mois, de
telle manière qu’à la fin un total de 18 mois
peut être atteint dans des cas exceptionnels. La loi n’empêche
toutefois pas qu’un prolongement supplémentaire soit
nécessaire en cas de transfert de l’entreprise pour
que ce transfert se déroule de manière optimale.
Article 39
L’article 39 permet au débiteur mal orienté
de changer l’objectif qu’il s’est fixé.
La possibilité de glisser d’un accord amiable vers
une réorganisation collective ou un transfert d’entreprise
ou d’un plan de réorganisation vers un transfert d’entreprise
est envisagée. La publicité accompagnant ces changements
d’orientation doit être assurée de la même
façon que la publicité initiale.
Article 40
L’article 40 permet au débiteur de renoncer
à sa demande. Ce cas de figure est relativement fréquent
si le débiteur parvient à obtenir un redressement
rapide. La gestion de l’entreprise débarrassée
des entraves d’une procédure judiciaire peu favorable
au crédit de l’entreprise sera plus commode. Les créanciers
ne peuvent être victimes de cette renonciation : c’est
une condition que met l’article à cette renonciation.
Article 41
La procédure doit pouvoir être arrêtée
à tout moment -et en dehors du cas de la renonciation- soit
si les objectifs de la procédure sont atteints, soit s’il
est avéré que le débiteur ne remplit pas les
conditions requises.
Normalement ce sera le débiteur qui prendra
une telle initiative et qui adressera une requête au tribunal.
Toutefois, le Ministère public a également le droit
de prendre une telle initiative sans qu’il ne doive démontrer
que l’ordre public est en cause. D’autres personnes
ayant un intérêt légitime, né et actuel,
peuvent également assigner le débiteur.
Si les conditions de la faillite sont réunies,
le tribunal peut dans le même jugement, déclarer la
faillite du débiteur mais lorsque la citation tend également
à cette fin.
Le paragraphe 2 contient une exception à
la règle selon laquelle le tribunal n’agit pas d’office.
Lorsque le débiteur ne dépose pas les documents justificatifs
que la loi impose alors qu’il en a eu l’occasion, le
tribunal peut prononcer d’office l’ouverture de la faillite.
Cela pourrait se présenter par exemple lorsque le débiteur
de mauvaise foi dépose une requête puis disparaît
sans plus diligenter la procédure.
Article 42
Cet article dispose que le jugement qui met fin a la procédure
en réorganisation judiciaire a pour effet principal que les
créanciers retrouvent la plénitude de leurs droits.
L’article contient également une disposition
permettant aux créanciers de recouvrer leurs droits lorsque
le tribunal a omis par inadvertance de clôturer la procédure
lorsque plus personne n’agit.
Article 43
L’accord amiable peut se dérouler dans le
cadre du sursis. Dans ce cas, le juge délégué
surveillera les opérations de l’accord qui par ailleurs
suit les règles du concordat amiable.
Afin de faciliter la conclusion d’un accord
amiable, l’article 43 fait référence à
l’article 1244 du Code civil qui, en droit commun, permet
d’octroyer les délais modérés. La distinction
principale par rapport à cet article est l’attribution
de compétence au tribunal de la réorganisation et
par ailleurs le caractère nécessairement collectif
d’un tel accord.
Bien que les parties aient conclu un accord sous
la protection offerte par le moratoire et sous le contrôle
du juge, ils peuvent mettre fin à leur accord amiable sans
devoir en demander l’autorisation au tribunal.
L’accord amiable conclu ainsi que les actes
accomplis en exécution de celui-ci sont immunisés
puisque les articles 17, 2° et 18 de la loi sur les faillites
ne sont pas applicables.
Article 44
Les articles 44 et suivants visent la réorganisation
judiciaire par procédure collective. Cette procédure
est celle qui se rapproche le plus du concordat classique tel qu’il
était organisé par la loi du 17 juillet 1997. La procédure
a été toutefois fortement simplifiée.
Le juge qui déclare ouverte la procédure
peut -mais ne doit pas- fixer dès le départ la date
à laquelle il sera voté sur le plan. Cette façon
de faire a pour avantage de fixer dès le départ le
déroulement des opérations, dès lors que l’article
44 dispose également que le débiteur doit déposer
le plan au greffe quatorze jours avant l’audience et qu’il
doit notifier aux créanciers quatorze jours après
le jugement déclarant ouverte la procédure le montant
de leurs créances et les garanties qui les accompagnent.
Article 45
Le débiteur engagé dans une procédure
doit informer ses créanciers du montant de la créance
pour lequel il les a portés dans sa comptabilité.
Il n’est pas possible de demander au débiteur de préciser
à ses créanciers quelles sont les sûretés
qu’il leur reconnaît -ceci demanderait une appréciation
juridique trop complexe- mais à tout le moins il lui est
demandé de faire un effort en ce sens.
Article 46
Cet article contient les dispositions principales relatives
à la contestation de créances. Les créanciers
auront reçu la communication prévue à l’article
26 de la loi et seront donc au courant de la façon dont leur
créance est connue dans la comptabilité du débiteur.
Leur donner l’occasion de contester la façon de voir
du débiteur n’est pas sans intérêt pour
un double motif au moins : le montant pour lequel le débiteur
les reconnaît comme créancier est le point de départ
de la détermination de l’importance de leur vote. Le
plan qui s’appliquera à eux sera établi en fonction
de l’importance de leur créance.
Les contestations de créance se feront selon
les règles de procédure ordinaires des articles 700
et suivants du Code judiciaire. C’est dire que les créanciers
devront citer le débiteur ou comparaître volontairement
pour entendre dire pour quel montant (et avec quelle garantie) une
créance est admise. Comme l’indique l’amendement,
une procédure ne sera nécessaire que dans le cas d’un
désaccord persistant avec le débiteur, ce qui devrait
être plutôt rare.
Comme ces contestations risquent de prendre du
temps, particulièrement (mais pas uniquement) si l’affaire
est renvoyée au juge naturel, l’article dispose que
le tribunal peut admettre à titre provisionnel une créance.
Pour assurer un maximum de flexibilité il
est également prévu que le tribunal peut, en cas d’absolue
nécessité, modifier cette décision. Cette situation
pourrait notamment se produire lorsque des éléments
nouveaux interviennent peu avant le vote.
Les tiers peuvent également former des contredits
contre les déclarations du débiteur, et ce, selon
les mêmes formes.
Article 47
La période de sursis doit permettre au débiteur
qui souhaite un règlement collectif avec ses créanciers
de rédiger un plan qui comportera à la fois la description
de sa situation et les remèdes qu’il se propose d’y
apporter. Il n’a pas paru opportun d’entrer dans trop
de détails concernant le plan. Il valait mieux laisser apprécier
par les créanciers si le plan était adéquat
plutôt que d’imposer trop de contraintes a priori.
Il va de soi que la situation de l’endettement
est capitale et que cette situation doit avoir été
vérifiée. La contestation des créances est
de nature à donner une crédibilité au plan.
Le plan devra également préciser
la manière dont le débiteur envisage de rétablir
la rentabilité opérationnelle de son entreprise. Une
description générale de la situation de l’entreprise
et de sa solvabilité ne suffit pas : une entreprise doit
être rentable ou doit pouvoir être rendue rentable si
elle veut survivre au jeu de la concurrence, en conséquence,
le débiteur doit fournir des indications à ce sujet.
Article 48
Un des éléments essentiels du plan est la description
des droits des personnes concernées. Celles-ci pourront à
la fois vérifier si leurs droits sont pris en compte correctement
et évaluer les chances de succès du plan.
Le plan ne contiendra pas uniquement les créances
antérieures à la déclaration d’ouverture
de la procédure. Il contiendra également l’indication
des créances à naître du fait du vote ou de
l’homologation du concordat. Cette homologation comporte certains
effets qui peuvent changer l’ampleur de l’endettement
du débiteur, notamment en matière fiscale.
L’amendement précise que tous les
créanciers sont concernés et qu’aucune distinction
ne peut être faite selon que les créances bénéficient
de certaines garanties ou non. L’indication précise
des garanties est par contre un des éléments importants
permettant d’évaluer les chances de succès du
plan.
Article 49
Cet article reprend les éléments du plan
qui seront proposés aux créanciers. Le plan tente
de créer les conditions qui sont de nature à insuffler
une nouvelle vie à l’entreprise afin de désintéresser
les créanciers et de la mettre à même de mieux
répondre aux attentes de son personnel, des actionnaires,
des fournisseurs et la communauté en général.
Une grande liberté de propositions est présentée
par cet article que ce soit sur le plan de la gestion du personnel,
des relations avec les créanciers ou avec les donneurs de
crédit.
Le plan devra prévoir une solution pour
l’endettement existant y compris pour les dettes en principal,
pour les intérêts échus lors de l’ouverture
et pourra également prévoir une solution pour les
intérêts à échoir sur les créances
sursitaires ordinaires et pour l’imputation des paiements.
Il est souhaitable que le plan évalue aussi
les conséquences qui en découleraient pour les créanciers:
cette approche est de nature à renforcer la confiance des
créanciers lorsque le débiteur, dans la rédaction
même du plan, tient compte du contenu de ce plan pour ses
cocontractants.
Le cas de la compensation est également
envisagé. En vertu de la loi du 15 décembre 2004 les
conventions de «netting» sont opposables aux créanciers
si la créance et la dette à compenser existent lors
de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité
(article 14 de la loi du 15 décembre 2004). Concernant les
dettes du créancier postérieures à l’homologation,
l’arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2006 admet
que dans le cas d’une étroite connexité la compensation
reste possible entre dette et créance postérieure
à l’ouverture de la procédure de concordat fondée
sur une convention antérieure au concordat. Les droits des
Etats voisins sont en général peu favorables à
une extension de la compensation en cas de procédure de réorganisation
(voir N. Faber, Verrekening, Kluwer 2005, p.454) alors qu’une
plus grande souplesse prévaut, pour des motifs d’équité,
en cas de faillite.
Le texte soumis permet dans certaines limites d’exclure
la compensation mais précise, dans le fil de la loi du 15
décembre 2004, que les propositions ne peuvent viser des
créances connexes ni des créances pouvant être
compensées en vertu d’une convention antérieure
à l’ouverture de la procédure en réorganisation.
Le cas de la restructuration sociale est envisagé.
En ce qui concerne la concertation nécessaire entre les partenaires
sociaux, le texte renvoie aux procédures de droit commun
qui sont pleinement applicables.
Article 50
Le plan peut également prévoir une suspension
limitée de certains droits des créanciers sursitaires
extraordinaires, mais sans préjudice du paiement des intérêts
qui lui ne peut être interrompu.
C’était déjà le cas
sous le concordat judiciaire actuel. Mais cette restriction ne peut
être telle qu’elle ruine les droits des créanciers
sursitaires extraordinaires car indirectement ce serait affecter
le coût du crédit.
Le délai que peut prévoir le plan
est de vingt-quatre mois maximum à dater du dépôt
de la requête (cela peut bien évidemment être
inférieur). Ce délai peut cependant paraître
court lors de restructurations importantes. C’est pourquoi
un délai supplémentaire de douze mois est possible:
dans ce cas toutefois, le plan doit prévoir qu’après
que le premier délai de vingt-quatre mois maximum ait pris
fin, le débiteur doit se justifier devant le tribunal. Il
faut que les engagements des uns et des autres soient clairs dès
le départ et que le piège de prorogations pas toujours
heureuses soit évité.
Article 51
La cession volontaire de tout ou partie de l’entreprise
peut également faire partie du plan au cas où cet
objectif n’aurait pas été formulé dès
le départ par le débiteur ou n’aurait pas été
imposé en cours de sursis.
Le débiteur sera dans ce cas amené
à détailler plus avant, dans le plan, quel type de
transfert est envisagé et à quelles conditions.
Article 52
Dans le droit du concordat, une des critiques les plus
souvent formulées était la période limitée
laissée au redressement de l’entreprise. Il a paru
opportun de prolonger cette période à cinq ans, ce
qui semble un délai suffisant pour un plan de redressement
suffisamment ambitieux.
Article 53
Le plan est soumis à l’examen des créanciers
concernés par le sursis. Ce sera le greffe qui, sur la base
de la liste déposée au dossier de la procédure,
communiquera aux créanciers qu’ils peuvent prendre
connaissance du plan au greffe. Les créanciers auront droit
à minimum quatorze jours après la date d’envoi
de la communication pour prendre connaissance du plan.
L’audience à laquelle il sera procédé
au vote sur le plan se tiendra également au minimum quatorze
jours après la date d’envoi de la communication.
Le juge délégué peut décider
que la communication sera également envoyée aux personnes
ayant donné une sûreté personnelle. Ce sera
de toute façon une bonne pratique dès lors que les
sûretés personnelles bénéficient de certains
droits particuliers en cas de transfert de l’entreprise.
Les représentants des travailleurs seront
informés également. Les représentants des travailleurs
doivent pouvoir se faire une idée de la situation, de l’évolution
et des perspectives de l’entreprise et des retombées
sur l’emploi. Ils pourront d’ailleurs être entendus
par le tribunal lors de la séance de vote s’ils le
souhaitent.
Précisons que la notion de représentants
des travailleurs est une notion usuelle en droit social et que l’amendement
n’entend pas lui donner dans cette loi un contenu spécifique.
Article 54
Cet article décrit le déroulement de l’audience
au cours de laquelle il est statué sur l’homologation.
Il précise quelle majorité est requise pour que le
plan soit adopté. Seuls les créanciers présents
ou représentés entrent en ligne de compte. Une double
majorité est requise.
Article 55
L’article indique que le tribunal doit statuer avec célérité.
Un délai de quatorze jours devrait suffire pour le tribunal
qui doit en outre veiller à ce qu’il prononce dans
le délai du sursis. Si un appel est interjeté il va
de soi que le délai du sursis sera sans doute dépassé,
mais la Cour d’appel devra statuer de toute urgence.
Le tribunal homologuera en principe le vote des
créanciers, sauf dans des conditions exceptionnelles. Il
rejettera le plan si l’ordre public est violé mais
veillera à ne pas qualifier d’ordre public ce qui ne
l’est pas. Des simples dispositions de droit impératif
ne sont pas encore des dispositions d’ordre public.
Le jugement clôture le sursis et le débiteur
passe dorénavant en période d’exécution
du plan.
Article 56
Une procédure d’appel ordinaire eut été
en fait impossible : les délais usuels tant pour interjeter
appel que pour le déroulement de la procédure en degré
d’appel sont inconciliables avec la nature urgente de la réorganisation.
Si l’homologation est refusée, le
débiteur ou les créanciers pourront interjeter appel
dans les huit jours de la parution du jugement au Moniteur belge.
La voie de l’opposition est exclue. Si le
débiteur malgré sa demande d’homologation n’a
pas comparu devant le tribunal, il ne pourrait faire opposition.
Quant aux créanciers auxquels la date d’audience a
été communiquée et qui n’ont pas comparu,
ils ne pourront non plus faire opposition.
L’appel est suspensif si le tribunal refuse
l’homologation, ce qui signifie en pratique que la période
de sursis se prolonge.
L’article se garde d’indiquer des délais
ou autres détails de procédure. Le droit commun de
la procédure s’applique.
Article 57
Cet article décrit les conséquences de l’homologation.
Celle-ci rend le plan contraignant pour les créanciers concernés.
Une solution est proposée pour les créances
qui avaient été contestées mais ont été
reconnues ultérieurement. Elles seront traitées comme
les créances de même nature, sans que le plan ne doive
être formellement modifié, même si cela apporte
dans la réalité des choses quelque modification pratique.
Cet article prévoit également que
les créances qui n’ont pas été reprises
dans le plan seront payées après exécution
totale du plan conformément aux créances de même
nature. Toutefois, lorsqu’un créancier démontre
qu’il n’a pas été dûment averti,
il sera payé selon les modalités prévues pour
les créances similaires. Cette dernière solution s’inspire
de l’arrêt de la Cour de cassation du 8 mai 2008 (www.Jure.Juridat.just.fgov.be).
Le plan homologué n’empêche pas le débiteur
de faire des paiements à titre volontaire, mais il le fera
à ses risques et périls: s’il met en danger
l’exécution du plan par des paiements favorisant certains
créanciers, il s’expose aux risques qui naîtront
d’une faillite ultérieure et de ses sanctions.
Le plan exécuté libère le
débiteur dans la mesure indiquée au plan. Le plan
libérera en règle le débiteur, mais l’obligation
d’un remboursement plus important après l’expiration
de la période d’exécution du plan, par exemple
en cas de retour à meilleure fortune, est laissée
à l’autonomie de la volonté des parties.
Comme il résulte de l’idée
même de la réorganisation, le plan ne bénéficie
pas aux codébiteurs et aux personnes qui ont donné
une sûreté personnelle (telles les cautions). La réorganisation
suppose une continuité de l’entreprise et exempter
les sûretés à cause de cette mesure aurait des
effets forts négatifs sur le crédit même du
débiteur, qui pourrait être poussé par les donneurs
de crédit à la faillite. Cela s’applique sans
préjudice des règles générales reprises
dans le code civil concernant les cautions.
Article 58
Le tribunal doit pouvoir mettre fin à la situation née
de l’approbation du plan et de son homologation. Il le fera
sur citation du Ministère public ou d’un créancier.
Les effets du plan seront toutefois partiellement
sauvegardés. Ainsi les paiements et opérations déjà
effectués gardent leur effet et sont maintenus.
Les créanciers qui n’auraient pas
été concernés par le plan ne peuvent demander
la révocation.
Contrairement au droit du concordat, l’article
ne prévoit pas que le tribunal peut prononcer par un même
jugement la faillite de l’entreprise. L’amendement entend
nettement dissocier les procédures. La faillite devra faire
l’objet d’une procédure distincte. Dans la plupart
des cas d’ailleurs, le débiteur optera soit pour une
liquidation soit pour un aveu de faillite, si le plan est révoqué.
Une autre solution, économiquement souvent
avantageuse, pourra être fournie par application de l’article
59 de l’amendement. Dans ce cas, l’exploit de révocation
pourra d’ailleurs contenir une demande de transfert.
Lorsque le tribunal statue, il le fait sur rapport
du juge délégué et par ailleurs après
avoir entendu le débiteur. Quand l’amendement précise
que le débiteur est entendu, il faut évidemment entendre
que celui-ci a été dûment convoqué s’il
n’a pas renoncé à sa convocation de façon
explicite et par ailleurs que le tribunal peut statuer même
si le débiteur dûment convoqué ne comparait
pas. Cette interprétation des mots « le débiteur
est entendu » est généralisée dans notre
droit et il a semblé inutile de préciser chaque fois
dans le texte de l’amendement ces éléments qui
vont de soi.
Article 59
Le transfert de l’entreprise ou de tout ou partie de ses activités
constitue fréquemment une bonne solution pour garantir le
maintien d’une activité économique. Sur le plan
juridique ce type de transfert pose des problèmes souvent
forts délicats.
L’amendement envisage deux types majeurs
de transfert d’activité. La cession de l’entreprise
vise un type de transfert où un ensemble est cédé
avec tous ses moyens de production. Il ne sera pas forcément
question de cession de tous les avoirs du débiteur mais il
s’agira de toute façon d’un ensemble complexe
d’actifs, de personnel, de moyens de production, de clientèle,
etc. Le transfert d’activité sera plus ciblé
dans sa portée. La formulation permet d’englober tous
les types de transfert en « going concern ».
La loi distingue deux types de transfert : le transfert
volontaire et le transfert imposé.
Le premier type de transfert implique qu’il soit demandé
dans la requête initiale ou même ultérieurement
à tout moment de la procédure. Le transfert ordonné
par le tribunal est toujours une mesure qui se fait sous l’autorité
de justice, même si le débiteur avait consenti au principe
d’un transfert dans sa requête initiale ou ultérieurement
dans la procédure. Le deuxième type de transfert implique
une mesure de contrainte: le transfert n’a, par hypothèse,
pas été voulu par le débiteur mais la situation
de l’entreprise est telle qu’un transfert s’impose.
La réglementation diffère selon que l’on se
trouve dans l’une ou l’autre situation.
En cas de transfert volontaire au sens de l’article,
il s’impose que les travailleurs soient entendus par le tribunal
selon les modalités usuelles prévues pour la consultation
des travailleurs. C’est ce que prévoit l’article
59, §1, deuxième alinéa. Les dispositions de
droit social applicables aux cessions d’entreprises volontaires
s’appliquent.
Le transfert imposé au débiteur de
tout ou partie de l’entreprise peut s’imposer dans certains
cas notamment si le débiteur ne prend pas l’initiative
et que son inertie ou impéritie menace la continuité
de tout ou partie de l’entreprise. Il fallait toutefois éviter
que des personnes mues par un intérêt illicite tendant
en particulier au démantèlement de l’entreprise
puissent agir en cession forcée.
C’est la raison pour laquelle plusieurs limites
sont mises à ce droit d’action en premier lieu en ce
qui concerne les titulaires de ce droit: il ne s’agira que
du Ministère public, d’un créancier ou de ceux
qui ont un intérêt légitime à acquérir
l’entreprise. L’intérêt d’un concurrent
d’acquérir tout ou partie de l’entreprise afin
de diminuer la concurrence ne serait pas légitime dans ce
contexte.
Les conditions matérielles pour demander
la cession sont également limitatives, étant donné
que la cession implique un dessaisissement partiel équipollent
à celui d’une faillite. Les demandes des tiers seront
donc faites dans le cadre de la révocation du sursis ou de
sa clôture ou lorsque la situation du débiteur est
celle d’une faillite.
L’article règle également les
problèmes de procédure. Le transfert d’entreprise
imposé peut être demandé dans le cadre de la
procédure de réorganisation ou de façon autonome
lorsque le débiteur est en état de faillite. Dans
les deux cas, il fallait régler les modalités de la
saisine du tribunal et veiller à ce que, en toute hypothèse,
un juge délégué soit désigné
pour superviser les opérations. Si le transfert se fait dans
le cadre d’une procédure existante, le juge délégué
antérieurement désigné sera maintenu en place.
Enfin le texte précise qu’en toute
hypothèse l’article ne change rien aux dispositions
légales applicables en matière de protection des travailleurs
qui continuent à l’évidence à s’appliquer
lors d’un transfert. La loi n’a pas précisé
les dispositions auxquelles il n’est pas porté atteinte
afin de ne pas s’exposer à donner une liste limitative
susceptible de devoir être constamment adaptée ou modifiée.
Article 60
Le transfert est une mesure d’autorité et il convenait
donc que le tribunal désigne un mandataire de justice chargé
du transfert concret. Il est souvent malaisé pour le tribunal
à ce stade de préciser l’ampleur du transfert
ordonné : il peut laisser cela à l’appréciation
du mandataire, ce qui sera notamment favorable si le mandataire
trouve des repreneurs distincts pour des activités séparées
à de meilleurs conditions que s’il avait dû vendre
à un repreneur.
L’article envisage aussi qu’un moratoire
complémentaire soit accordé au débiteur. Il
est en effet possible, notamment, que le transfert soit ordonné
au moment où le moratoire accordé initialement touche
à sa fin et il est apparu indispensable de permettre au mandataire
de justice d’encore bénéficier de la protection
temporaire que confère le sursis pendant qu’il négocie.
La publication au Moniteur belge est le corollaire
de cette possibilité. Elle se fait aux soins du mandataire
de justice.
Article 61
Les droits des travailleurs tels que déterminés
dans le transfert est un aspect important du transfert. Le transfert
intervient par définition dans des circonstances difficiles
et, dans les yeux des créanciers et du cédant, il
est de grand intérêt que la cession intervienne contre
un prix fort qui permette de diminuer les pertes. L’optimalisation
du prix reçu peut être soumise à la possibilité
pour le cessionnaire d’appliquer une sélection du personnel
et à une adaptation des salaires du personnel repris.
Pour les travailleurs et les représentants
du personnel, il s’agira naturellement de défendre
le maintien maximal des conditions de travail actuelles et une reprise
maximum du personnel, en ce compris les représentants actuels
du personnel.
Une CCT établie au sein du C.N.T. peut fixer ces droits et
trouver un point d’équilibre entre ces positions qui
ne sont d’ailleurs pas inconciliables, toutes les parties
ayant avantage à ce que l’entreprise puisse subsister
sous une forme ou une autre. Le tout est de trouver un point d’équilibre
et de favoriser un dialogue social fructueux. C’est la raison
pour laquelle le Gouvernement privilégie la conclusion d’un
accord consenti par les partenaires sociaux qui pourra se substituer
à la proposition qui est faite à l’article 61
ou encore la compléter.
En attendant la conclusion d’un tel accord le texte de l’article
61 qui est proposé s’articule autour de quelques grands
objectifs qui sont compatibles avec les principes imposés
par le droit social européen:
1. Les travailleurs repris bénéficient
du principe du maintien de leurs droits et obligations;
2. Les représentants des travailleurs et les travailleurs
eux-mêmes, le mandataire de justice et le repreneur peuvent
convenir librement d’autres conditions de travail sans que
cela n’implique nécessairement une rupture des contrats;
3. L’acquéreur dispose d’une certaine liberté
de sélection des travailleurs qu’il reprend mais
son choix ne peut être caractérisé par une
différentiation illicite notamment en ce qu’il écarterait
les représentants syndicaux;
4. Une fois les accords conclus et vérifiés, l’acquéreur
dispose de la certitude que ses engagements à l’égard
des travailleurs sont bien ceux qui ont été convenus.
La concrétisation de ces principes fait
l’objet de l’article 61.
Le premier paragraphe souligne le principe de la continuité
des contrats de travail en cas de cession. Ceci est la suite logique
du fait, relevé par la jurisprudence européenne, que
le transfert implique nécessairement une part de continuité
même s’il est accompagné d’une discontinuité
dans le chef du cédant qui peut fort bien faire l’aveu
de la faillite après la cession.
Le deuxième paragraphe insiste sur la possibilité
de négociations dérogeant à la continuité
sans nuances. C’est en réalité la pratique vécue,
les repreneurs ayant souvent le souhait d’intégrer
une entreprise existante dans des conditions un peu différentes
de celles qui prévalaient antérieurement. La négociation
libre s’impose dans de tels cas. Il est aussi important de
permettre aux travailleurs individuels de négocier des accords
qui permettent à ces travailleurs d’exercer leur activité
d’une façon parfois différente de celle existant
antérieurement, sans que ceci ne puisse être conçu
comme une rupture de contrat de la part de l’un ou de l’autre.
La liberté des conventions prévaut, mais les modifications
ne peuvent être exclusivement la conséquence du fait
même qu’il y ait eu transfert, mais doivent résulter
d’exigences objectives de type technique, économique
ou organisationnel.
Ces accords individuels peuvent affiner des accords collectifs pris
par les organisations représentatives des travailleurs mais
ne peuvent avoir pour but d’alourdir la tâche du repreneur
telle qu’elle découle d’accords collectifs :
le risque est autrement réel que l’accord collectif
ne soit vu que comme un point de départ de négociation.
Ceci mettrait en péril un équilibre global négocié
par les partenaires sociaux qui rend le transfert à la fois
économiquement solide et équitable pour les travailleurs.
Le troisième paragraphe vise à amener le cédant
et le mandataire de justice à informer complètement
le candidat acquéreur des obligations qui pèsent sur
lui et d’assurer une sécurité juridique à
cet égard. C’est important pour éviter que ne
soit opté pour une solution ou des entreprises sont laissées
pendant un certain temps à l’abandon afin que l’acquéreur
n’ait plus à se soucier d’engagements auxquels
il ne s’attendait pas. Ici le paragraphe force les cédants
à informer pleinement l’acquéreur sur les dettes
existantes et les engagements existants. Si les informations données
sont inexactes- ce qui peut être le cas concernant des situations
individuelles- le travailleur a droit à des dommages intérêts
pour le préjudice qu’il a subi. Le tribunal du travail
statuera d’urgence, dans sa composition normale et non à
titre provisoire, mais donc en donnant priorité à
ce genre de litiges. En règle, cette situation sera évitée
parce que le paragraphe 3 oblige le cédant et le mandataire
de justice d’informer les travailleurs individuels au sujet
des obligations telles qu’elles sont communiquées au
repreneur, le travailleur ayant ainsi l’occasion de rectifier
le décompte qui lui est adressé. Mais en principe
donc, le repreneur est informé de l’ensemble des obligations
qui pèsent sur lui et les confins de sa responsabilité
sont délimités ainsi. Il va de soi que les obligations
contraignantes pour tous résultant de normes légales
ou de conventions collectives obligatoires font partie des obligations
du repreneur sans même que cela ne doive se dire.
Le paragraphe 3 contient également une mesure qui était
déjà prévue dans la CCT 32 quinquies
en cas de concordat judiciaire.
Le paragraphe 4 contient deux principes importants qu’il importait
de concilier. D’une part, le repreneur reprend les travailleurs
dont il a besoin : c’est fondamental souvent si le repreneur
a déjà une entreprise ou si l’entité
reprise doit être redressée. D’autre part, ce
choix ne signifie cependant pas un pouvoir arbitraire. Le transfert
ne peut se concevoir s’il sert de moyen pour effectuer des
sélections qui iraient à l’encontre des choix
que fait la loi entre autre pour la protection de certains types
de travailleurs. C’est l’objectif du paragraphe 4 qui,
par ailleurs, permet au repreneur de prouver par voie de présomption
qu’il n’a pas pratiqué de reprise sélective
par un biais ou l’autre. Il découle aussi de ce mécanisme
que le travailleur qui ne souhaite pas être repris ne commet
aucun manquement légal en refusant le transfert. Sa liberté
n’est pas moins grande que celle du repreneur.
Le paragraphe 5 permet enfin d’assurer une certitude juridique
quant à la cession. Le cédant, le mandataire judiciaire
ou l’acquéreur peuvent demander l’homologation
de la cession au tribunal du travail en ce qui concerne les droits
sociaux concernés. Ce sera l’occasion de rapidement
vider les éventuelles contestations qui auraient pu subsister
lors de la cession concernant tous les aspects de la reprise et
de permettre aux travailleurs individuels de voir leurs droits examinés
par le tribunal dans un délai bref. Par sa composition le
tribunal du travail apparaissait comme la juridiction idoine pour
statuer.
Article 62
Cette disposition indique, sans entrer dans d’excessifs
détails, comment le mandataire de justice doit procéder.
S’agissant d’un transfert, il devra
classer les actifs qu’il doit vendre selon les modalités
propres au type d’actif. Les modalités de cession d’immeubles
ne sont pas pareilles aux modalités de cession de droits
intellectuels, de meubles etc. Cet examen purement juridique doit
s’accompagner d’une analyse plus fine des actifs qui
sont requis pour qu’une activité économique
puisse se développer sous l’impulsion du repreneur.
Le mandataire de justice sollicitera les meilleures
offres. Le critère des meilleures offres sera celui, prioritairement,
de l’emploi sauvegardé à court ou moyen terme.
Lorsque –sans tenir compte de l’aspect emploi- les offres
sont équivalentes, le mandataire de justice doit prendre
en considération de façon prioritaire le critère
de l’emploi. Le mandataire de justice ne pourra toutefois
pas brader l’entreprise ou ses activités, car ce serait
là une distorsion de concurrence particulièrement
préjudiciable en plus aux créanciers.
La solution ne s’imposera peut être
pas d’évidence et le mandataire de justice pourra élaborer
plusieurs projets qu’il soumettra au tribunal par requête
contradictoire. Celui-ci statuera après avoir entendu le
débiteur, ainsi qu’il est dit à l’article
64.
Article 63
Le transfert de l’entreprise ou de ses activités portera
inévitablement sur des actifs (le cas échéant,
déduction faite de dettes bien circonscrites) ce qui imposera
que les modalités de cession de ces actifs doivent être
précisées.
C’est l’objet de cet article qui dispose
de quelle façon les immeubles sont cédés et
ce qu’il advient des inscriptions prises sur les immeubles
et fonds de commerce.
En toute hypothèse, et avant même
que le mandataire de justice ne dépose la requête visée
à l’article précédent, le mandataire
convoque le débiteur pour l’entendre sur le projet.
C’est la garantie que les actifs ne seront pas cédés
pour vil prix.
Une autre garantie destinée à éviter
des distorsions est que les intéressés peuvent solliciter
du tribunal que celui-ci mette quelques conditions à l’autorisation
du transfert, dont un prix minimum. Cette requête sera déposée
au tribunal, et le requérant en informera le mandataire de
justice.
Article 64
Le tribunal décide entre les offres selon les paramètres
exposés ci-avant. Si plusieurs offres sont proposées,
il choisira celle qui se rapproche plus de l’équilibre
recherché par l’amendement mais ne pourra trouver une
‘troisième voie’. La compétence de formuler
les offres relève du mandataire de justice.
Le mandataire de justice, s’il a de larges
pouvoirs pour assurer le transfert, n’a pas le rôle
de répartiteur des fonds. Cette tâche sera confiée
à un huissier de justice désigné par le tribunal
de commerce. Il répartira le produit comme il est précisé
à l’article 65.
La publication du jugement s’imposait également.
Article 65
Cet article concerne essentiellement les tâches de
répartition du produit des ventes. S’agissant d’immeubles,
c’est le notaire qui a rédigé le projet d’acte
qui sera désigné pour faire la vente. Notaire et huissier
répartissent le produit de la vente selon les modalités
du droit commun. Si d’aventure le notaire a un excédent
après avoir payé les créanciers hypothécaires
et les frais, il remettra le surplus à l’huissier de
justice pour terminer la répartition.
Article 66
Cette disposition n’appelle pas de commentaires.
Article 67
Le mandataire de justice a une mission limitée.
Aussitôt accomplie cette mission, il demandera que la procédure
soit clôturée. Il n’est pas exclu que certains
actifs importants subsistent après le transfert et que donc
la procédure du sursis se poursuive; dans un tel cas, le
mandataire demande simplement d’être déchargé
de sa mission.
Article 68
Le transfert d’entreprise s’apparente partiellement
avec une faillite, en ce sens que dans les deux cas, le débiteur
n’est plus en possession des actifs concernés. Etant
donné la proximité des cas -qui restent malgré
tout sensiblement différents- il a paru opportun de proposer
que les voies d’exécution à charge des personnes
qui se sont constituées sûretés personnelles
à titre gratuit, soient suspendues pendant le sursis. A la
fin du sursis, les créanciers reprennent leur droit.
Cette règle est une exception au principe
énoncé à l’article suivant selon lequel
la décharge ne profite pas aux sûretés personnelles.
Article 69
Cette disposition n’appelle pas de commentaires.
Article 70
Le débiteur personne physique qui se trouve confronté
à un transfert de son entreprise sous autorité de
justice se retrouve dans une solution proche de la faillite. Si
elle est malheureuse et de bonne foi, il semble équitable
de la décharger de ses dettes sursitaires. Faute de cette
disposition, il y aurait à craindre que le débiteur
n’opte pour le régime de la faillite qui elle connaît
un régime d’excusabilité.
Le malheur et la bonne foi sont des notions anciennes
qui ne doivent ni ne peuvent être assimilées aux notions
existant sous l’empire des anciennes lois sur le concordat.
L’article précise quel type de décharge
est accordé et quels en sont ses effets.
Cette décharge n’est pas automatique
mais doit être demandée dans un délai de trois
mois au tribunal par requête contradictoire.
Le jugement est publié au Moniteur étant
donné l’effet de la décision sur les tiers.
Les conséquences pour les cautions et les
codébiteurs sont indiquées en fin de l’article
et sont similaires à celles existant en matière de
faillite.
Article 71
Cette disposition a une portée générale.
Elle vise tous les cas où, dans la loi, un mandataire de
justice est désigné.
Au paragraphe 2, on remarquera que le Roi n’est
pas tenu de fixer les barèmes appliqués aux mandataires
de justice désignés sur la base de l’article
28. Cela eût été impossible. L’article
28 pourra être applicable dans une telle variété
de cas qu’il serait hasardeux de vouloir réglementer
les barèmes et honoraires. Le tribunal pourra lui-même
veiller à ce que les prestations soient honorées de
façon efficace et équitable.
Articles 72 et 73
Ces articles sont de simples adaptations des dispositions pénales
actuellement applicables au concordat.
Articles 74 à 80
Ces dispositions n’apportent que des modifications
formelles au Code judiciaire dues à l’abrogation de
la loi sur le concordat et à son remplacement par la loi
actuelle et l’élargissement de la compétence
du tribunal de commerce concernant les litiges impliquant les sociétés.
L’article 77 autorise un recours auprès
de la Cour de Cassation contre les décisions en annulation
des chambres d’enquête commerciale pour excès
de pouvoir, prises en violation de la loi ou accomplies irrégulièrement.
Jusqu’à présent il y avait une insécurité
à propos des recours qui pouvaient être introduits
contre les actes des chambres d’enquête commerciale.
Un recours en annulation devant le Conseil d’Etat contre de
tels actes d’une autorité judiciaire n’était
pas conciliable avec la répartition des tâches entre
les juridictions administratives et celles du pouvoir judiciaire.
Article 81
Cet article a pour but de rendre plus flexible la disposition de
l’article 8 de la loi sur les faillites. Le bon fonctionnement
de cette disposition est capital pour éviter que des abus
éventuels commis dans le cadre de la procédure de
réorganisation ne soient pas arrêtés de manière
adéquate et rapide.
Article 82
Etant donné qu’une demande en réorganisation
peut être aussi faite dans le cas où un débiteur
a cessé ses paiements, on doit veiller à ce qu’il
ne soit pas obligé de faire l’aveu de la faillite s’il
a déjà déposé une requête en réorganisation
au tribunal de commerce. En déposant une telle requête,
le débiteur s’est mis sous le contrôle du juge
et il n’y pas lieu de maintenir une sanction pour ne pas avoir
fait l’aveu de la faillite.
Article 83
Cet article n’appelle pas de commentaires.
Article 84
Le texte adapte le code de droit international privé à
la nouvelle procédure. Le code précise expressément
que ses dispositions doivent s’entendre comme un complément
du règlement communautaire en matière d’insolvabilité,
règlement qu’une loi interne ne peut évidemment
pas modifier. En tant qu’il s’agit de procédures
d’insolvabilité pouvant être touchées
par le règlement communautaire, le lien entre cette loi et
le règlement sera établi par une adaptation de l’annexe
au règlement.
Articles 85 à 87
Ces dispositions visent à assurer la neutralité
fiscale des opérations relatives à l’insolvabilité.
Elles ne diffèrent pas substantiellement du régime
actuel qui est applicable au concordat judiciaire.
Cette neutralité doit être assurée
en toute matière. L’article 85 concerne la TVA: les
abattements sur créances accordées au débiteur
pourraient, sans ces textes, entraîner des effets ruinant
les fins de la procédure.
En matière d’impôts directs,
les articles 86 et 87 recréent également un équilibre
qui neutralise l’effet mécanique des accords collectifs.
La réalité économique qui
doit prévaloir mènera jusqu’ à ce que
les bénéfices provenant de diminutions actées
par le débiteur sur son passif, soient exonérées
dans les conditions indiquées dans cet article selon les
modalités précisées par le Roi. Faute d’une
telle disposition la réorganisation risque de tourner court
rapidement.
Article 88
Cet article n’appelle pas de commentaires.
Article 89
L’amendement a opté pour un droit transitoire
simple. La loi ne s’applique qu’aux nouvelles procédures
ouvertes après l’entrée en vigueur de la loi.
Une requête ne pourra donc être déposée
qu’à partir de la date d’entrée en vigueur
de la loi et les effets des concordats amiables ne porteront que
sur des accords conclus après l’entrée en vigueur
de la loi. Pour le reste, les anciennes dispositions du concordat
subsisteront pour les concordats en cours.
Afin de favoriser au maximum la possibilité d’un accord
collectif conclu au sein du C.N.T., il a été prévu
que l’article 61 ne pouvait entrer en vigueur avant le 1er
janvier 2009.
Article 90
Cet article n’appelle pas de commentaires.
Le Ministre de la Justice
Jo VANDEURZEN
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