Le 06 octobre 2008
        Etat critique, Etat critiqué
 

La Libre Belgique de ce matin ramasse en quelques lignes les réponses que j’ai fournies à l’un de ses journalistes qui m’interrogeait hier soir par téléphone, comme spécialiste des entreprises en difficulté, sur le fondement juridique des critiques de l’action du gouvernement dans la crise bancaire, que l’on a notamment entendues au cours de la semaine écoulée de la part de Deminor ou de l’avocat Mischaël Modrikamen.

« Sans remettre en cause les résultats de ces soins intensifs de la finance, que penser d’un Etat qui prend le problème à bras-le-corps et légifère ensuite ? » me demandait ce journaliste. Quand une entreprise tombe en faillite ou en est menacée, ai-je exposé, on agit par reflexe plutôt que par réflexion. Un peu comme le chirurgien confronté à une urgence extrême qui tente l’impossible pour maintenir en vie son patient, sans avoir le temps de passer par les précautions d’usage. Et le principe d’une restructuration est toujours le même, qu’il s’agisse d’une pme, des Forges de Clabecq, de la Sabena ou aujourd’hui de banques : on élague l’arbre malade, de manière à permettre au tronc de retrouver sa respiration ; on recentre l’entreprise sur son métier de base en attendant, pour la redéployer, que soient retrouvés les équilibres fondamentaux.

Deuxième question : « Puisqu’on parle d’adopter des lois en urgence pour consacrer les décisions prises, c’est donc que le cadre légal est insuffisant ? Est-il exact que l’action de l’Etat n’était pas conforme au code des sociétés ? ».

 





Sans avoir vu le dossier, ni même avoir confronté les arguments des uns et des autres, impossible, bien sûr, de répondre raisonnablement à cette question. D’autant que, sur des problèmes aussi complexes, les juges se permettent souvent beaucoup de liberté dans l’appréciation de la loi ou de l’équité. J’ai ainsi pointé du doigt l’insécurité juridique croissante qui tient à la remise en cause par les juges des textes légaux ou réglementaires. Aujourd’hui, c’est le règne du « jurislateur » : le juge se pose en législateur. Il remplace l’appréciation du gouvernement ou du parlement par la sienne. C’est en quelque sorte un conflit de compétences des uns et des autres. Un vrai problème, qui ne retient malheureusement pas l’attention du politique. Sauf peut-être en des temps de crise comme ceux-ci.

« On plaidera donc ! », a conclu mon interlocuteur. Sans doute, et il faut espérer qu’on ne s’engage pas dans des actions, voire dans des jugements, par préjugé, sans la sagesse nécessaire dans des dossiers de ce type. Mais il faut espérer, ai-je fait valoir, que dans tout ce tumulte l’effondrement de l’ultra-libéralisme ne nous ramène pas aux dérives de l’ultra-socialisme, et que les avocats ne soient pas muselés. C’est l’honneur du Barreau que de défendre toutes les thèses qui méritent de l’être, pour autant que cela se fasse avec probité et dans le respect de la déontologie.













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