Le 27 janvier 2009
        La loi relative à la continuité des entreprises entrera très bientôt en vigueur
 

Le projet de loi relative à la continuité des entreprises, issu de la proposition votée une première fois à la Chambre le 6 novembre de l’année dernière, évoqué par le Sénat et approuvé par celui-ci le 18 décembre, a enfin été adopté en deuxième lecture par la Chambre le 15 janvier dernier. La nouvelle réglementation, rédigée pour l’essentiel par un groupe de travail conduit par le président de la Cour de cassation et composé de trois experts flamands et de trois experts francophones dont je faisais partie, devrait entrer en vigueur le 1er avril prochain. Alors que d’aucuns pronostiquent que l’année 2009 battra tous les records en matière de faillite, il était temps d’offrir aux entreprises un nouvel instrument juridique pour surmonter leurs difficultés !

La loi nouvelle, qui se substitue à la loi relative au concordat judiciaire du 17 juillet 1997 et que complète sur le plan de l’organisation judiciaire la loi modifiant le Code judiciaire concernant la continuité des entreprises, innove essentiellement en ce qu’elle donne à l’entreprise en difficultés, dès le début de celles-ci, plusieurs possibilités pour redresser la barre. L’entreprise ne se retrouve plus devant le choix binaire du concordat ou de la faillite, mais a, au contraire, une pluralité d’options qui iront de systèmes très libres, comme l’accord amiable, éventuellement recherché et conclu à l’aide d’un médiateur d’entreprise, à des systèmes tout à fait contraignants, comme le transfert forcé de tout ou partie de ses activités, en passant par le système plus classique du plan de règlement du passif proposé à l’ensemble des créanciers.

La nouvelle réglementation s’appliquera non seulement aux commerçants et aux sociétés commerciales mais aussi aux sociétés agricoles et aux sociétés civiles à forme commerciale (à l’exception des professions libérales).

Sur le plan de la prévention, elle maintient pour l’essentiel les règles antérieures en matière de dépistage et d’enquêtes commerciales, tout en les retouchant. Elle prévoit ainsi de nouveaux clignotants, étend les pouvoirs du juge-enquêteur et instaure un recours en cassation contre les actes irréguliers des chambres d’enquête. Elle institue aussi le médiateur d’entreprise, facilite la conclusion par le débiteur en difficulté d’un accord amiable extrajudiciaire avec certains créanciers et consacre et simplifie dans des conditions précises l’intervention conservatoire de mandataires de justice dans les entreprises défaillantes. Elle assouplit également les conditions de nomination d’administrateurs au dessaisissement provisoire de faillis virtuels. Enfin elle étend la compétence d’attribution du tribunal de commerce en matière de contestations pour raison d’une société.





 





Ce qui, dans la procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif (l’ancien concordat), frappe le plus, est la disparition du commissaire au sursis et la réapparition du juge délégué. Sauf dans l’hypothèse exceptionnelle de son remplacement par un administrateur provisoire en cas de faute grave et caractérisée ou de mauvaise foi manifeste, le débiteur maintiendra sa pleine capacité d’administration et de disposition. Néanmoins dans les petites entreprises un mandataire de justice chargé de l’assister dans sa gestion pourra lui être adjoint à sa demande ; dans les grandes entreprises il pourra lui être imposé.

La procédure, dont les conditions sont réduites au minimum, est par ailleurs simplifiée et clarifiée, tout comme le vote et l’homologation du plan de réorganisation. La durée du sursis provisoire, du sursis extraordinaire et de l’exécution du plan est considérablement allongée. La neutralité fiscale du plan, tout comme celle de l’accord amiable, est assurée et l’administration des impôts perd son régime de faveur.

Le transfert sous autorité de justice est conçu comme une alternative à la faillite ou à la liquidation. Il peut être consenti, mais aussi imposé en cas d’échec d’une tentative de réorganisation judiciaire ou de son exécution, ou encore lorsque le débiteur est en état de faillite virtuelle mais demeure inerte. Le principe de la continuité des contrats de travail s’applique en cas de transfert, mais pour que la faillite ne reste pas un outil de restructuration beaucoup plus séduisant, il est assorti de nuances tenant à des raisons techniques, économiques ou organisationnelles.

Plusieurs questions controversées sous le régime antérieur sont clarifiées, notamment en ce qui concerne les droits des créanciers ; l’ouverture de la procédure n’entraîne pas de concours. L’évolution de la Cour de cassation en ce qui concerne les notions d’égalité des créanciers et d’ordre public, notamment dans le domaine des sûretés issues de la pratique, se trouve aussi consacrée.

Espérons qu’avec cet instrument nouveau, les entreprises en difficultés seront enclines à se réorganiser bien avant de se retrouver en état de faillite. Il s’agit là bien évidemment d’une question « culturelle », comme le montre l’exemple des Etats-Unis où l’échec commercial n’est pas nécessairement incriminé et où le recours au Chapter 11 du Bankruptcy Code, dont l’objectif est analogue à celui de la loi nouvelle, est très fréquent. Et le législateur est évidemment impuissant à faire bouger les mentalités, du moins dans le court terme.












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