Préface

Dimanche 8 septembre 2002. Alain Zenner m'a appelé sur mon portable. J'ai quelque chose à vous proposer. Vous êtes libre à déjeuner ? J'ai accepté. Le lendemain, il m'a sorti une liasse de notes dactylographiées : des comptes rendus, des synthèses, une biographie et un mémoire politique. Le 25 octobre, il y aura deux ans que j’ai été nommé. C’est le moment de faire le point. Je voudrais publier un bilan de mon action. Voilà ce que j’ai écrit. Pourriez-vous mettre cela en musique ? J'ai peu hésité. Pourtant, pour un journaliste, évoquer « la vie et l'œuvre » d'un homme politique, c'est prendre le risque de se colorer politiquement. Je ne le souhaite pas : fondamentalement, nous ne sommes pas vraiment du même bord. Pourquoi accepter, dès lors ? D'abord parce que l'on peut partager des (bonnes) idées. Et puis, pour avoir rencontré dans la pratique de mon métier des entrepreneurs audacieux, des génies, des frimeurs, des ambitieux et des malhonnêtes, je me suis forgé une échelle de valeurs. J'aime ceux qui sont capables de donner, de travailler pour le bien de la collectivité. Quel que soit le cadre de ses activités, Zenner m'a prouvé son efficacité à cet égard. Ce n'est pas un velléitaire verbeux. Il agit sans ambition démesurée. Il est prêt à assumer un éventuel retour à la relative discrétion d'une carrière au barreau. Mais pourrait faire bien plus que cela.

Les journalistes financiers sont souvent confrontés à des problèmes complexes. Ils doivent les traiter dans l'urgence, en tentant d'expliquer rapidement une matière abrupte à des lecteurs exigeants. Et cela, en n'omettant pas de songer à ceux qui ne maîtrisent pas, ou plus, les éléments nécessaires à la bonne compréhension de ce qui leur est montré. Comme mes pairs, j'ai usé et abusé de quelques informateurs pleins d'expérience, au carnet d'adresses bien rempli, aux relations précieuses. Mon premier contact téléphonique avec Alain Zenner date de l'époque où sombrait la société Franki. L'entreprise de construction, exsangue, tentait de bénéficier d'un sursis sous la forme d'un concordat judiciaire. Zenner, spécialiste du chapter eleven à la belge, avait peu à gagner à me faire partager quelques miettes de son savoir. Il a toutefois pris le temps, d'emblée, sans m'avoir jamais rencontré, de m'expliquer dans le détail une matière dont j'avoue que je ne savais rien. Noyé dans mes notes, j'ai réussi à écrire quelques lignes passables sur le sujet. J'ai ensuite noté soigneusement le numéro de téléphone de cette bible juridique qui ne voulait pas être citée. Et j'ai bien souvent usé de son étonnante disponibilité.

 

 

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J'ai rencontré l'homme « en vif » plusieurs années plus tard. Une fois encore, j'avais besoin de ses lumières sur des questions de droit des entreprises. Nous avons déjeuné. Je connaissais le cerveau. J'ai découvert une autre face du personnage, colorée d'humour et de culture. J'ai apprécié une simplicité non feinte.

Zenner a endossé en octobre 2000 le costume de « commissaire du Gouvernement, adjoint au ministre des Finances et chargé de la simplification des procédures fiscales et de la lutte contre la grande fraude fiscale ». Un titre à rallonges impossible à retenir. Il devenait une sorte de secrétaire d'État chargé d'une mission un peu vague, trop vaste et trop complexe sans doute pour être menée en une vie d'homme. Aux premiers jours de son mandat, je lui ai demandé au cours d'un entretien s'il n'avait pas accepté de se mesurer à des moulins à vent. Il m'a sorti calmement deux pages A4 reprenant un plan de bataille en plusieurs phases : analyse des problèmes, définition d'objectifs, établissement d'un calendrier, lancement de projets, mesure des résultats. Une simplification des procédures fiscales ne peut se concevoir sans la mise en place d'une culture d'entreprise dans l'administration, m'a-t-il expliqué. J'ai rencontré des gens. La plupart d'entre eux ont envie de mieux faire. Nous allons travailler ensemble. J'étais sceptique. Nous nous sommes donné rendez-vous quelques mois plus tard. Il m'a accueilli dans son bureau du coin de la rue de la Loi et de la rue Ducale un matin pluvieux. Assisté de deux spécialistes détachés de l'administration, il a fait le point sur l'avancée de son travail. J'ai été impressionné par les premiers résultats, par les perspectives et par l'enthousiasme de son équipe.

Deux années déjà ont passé. On ne s'étonne plus en Belgique de pouvoir effectuer des déclarations de TVA par internet. L'administration fiscale a manifestement lâché la bride aux petits contribuables pour chasser les gros fraudeurs. Pour le bénéfice de la collectivité. Zenner a bien travaillé. La Nouvelle culture fiscale est en marche. Il est prêt à s'attaquer à un autre moulin à vent.


Patrick Van Campenhout

Lire la préface
(Chapitre 1) Lire "Alain Zenner, de A à Z"
(Chapitre 2) Lire "Réformer notre culture fiscale"
(Chapitre 3) Lire "Vous pouvez me simplifier tout cela ?"
(Chapitre 4) Lire "Sus à la pègre fiscale"
(Chapitre 5) Lire "Zenner, commissaire à la simplification…
politique ?"

Lire la conclusion



Van Campenhout (Patrick), Le commissaire passe aux aveux. Entretiens avec Alain Zenner, Liège, Editions Luc Pire Électronique, 2003, 198 p.