Intervention de M. Cruysmans, directeur éditorial de Larcier

Au nom des éditions Larcier, je suis très heureux de vous accueillir à la présentation du nouvel ouvrage que Me Zenner consacre à la faillite.

Larcier est une des plus anciennes maisons d’édition juridique belge. Fondée en 1839, elle constitue le pôle juridique du Groupe De Boeck, qui est, comme vous le savez sans doute, un groupe belge indépendant spécialisé dans l’édition d’ouvrages scientifiques de qualité.

Les publications de Larcier s’adressent principalement aux professionnels du droit que sont les magistrats, les avocats, les notaires, les juristes travaillant dans les secteurs privé et public, les huissiers de justice, etc. ; elles s’adressent aussi aux personnes qui, sans être nécessairement juristes, ont besoin de documentation juridique dans l’exercice de leurs activités professionnelles : les réviseurs d’entreprise, les dirigeants de sociétés, les responsables de département de ressources humaines, les acteurs de secteurs tels que l’immobilier, l’assurance, etc. ; elles s’adressent enfin aux étudiants en droit et en sciences juridiques.

Larcier édite différents types de publication :

- des ouvrages généraux tels que les célèbres Codes Larcier, le Répertoire Notarial ou le Recueil annuel de jurisprudence ;
- des ouvrages d’une grande valeur scientifique dans tous les domaines du droit ;
- des revues générales comme le Journal des tribunaux ou la Revue de Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles, ainsi que de nombreuses revues spécialisées.

 







Enfin, Larcier poursuit activement le développement de produits électroniques, qui permettent au juriste de consulter les ouvrages et revues grâce à l’internet et au CD-Rom.

Henri De Page, l’un des plus fins juristes de l’époque, consacra, il y a un demi-siècle, une quinzaine de volumes à ce qu’il appela un « Traité élémentaire de droit civil belge ».

Au tome VI de ce traité, il écrit : Les juristes excellent toujours à manier les principes avec une virtuosité étonnante sans doute, mais […] en oubliant les réalités. C’est pour les réalités que le droit est fait, et non pour la beauté des principes.

Cette maxime, cette « petite phrase », Me Zenner l’a mise en exergue et en exorde du traité qu’il a consacré à la réforme du droit de la faillite et du concordat de 1997 et que la maison Larcier a publié en 1998.

Parce que cette maxime avait trop été souvent perdue de vue, le Professeur de Leval, Doyen de la Faculté de Droit de l’Université de Liège, écrivait en 1984 déjà que Le droit de la faillite, c’est trop souvent la faillite du droit.

Ce qui caractérise les écrits de Me Zenner, c’est qu’il a toujours cherché, que ce soit sur le terrain – comme à Clabecq – ou dans la réflexion – comme ici –, à concilier les réalités et les principes, les nécessités de la pratique et les contraintes de la codification.

Et c’est ce qui fait la richesse de son traité de 1997, de la mise à jour de ce traité parue en 2000 et de son nouvel ouvrage que la maison Larcier publie aujourd’hui.

M. Paul Martens (1), juge à la Cour d’Arbitrage et professeur aux universités de Liège et de Bruxelles, où il enseigne la théorie du droit et la pensée juridique contemporaine, le releva dans la préface de ce traité, en écrivant que on imagine mal de pouvoir en lire qui reflète aussi fidèlement la genèse des nouvelles lois et qui nous mène aussi utilement dans leur dédale.

Evoquant le lobbying intense qui avait accompagné la réforme de 1998, il ajoutait : En présence d’une telle polyphonie d’intérêts, il fallait trouver un homme qui fût capable, avec autant de sérénité scientifique que de lucidité pragmatique, de rendre compte des sensibilités divergentes qui ont concouru à l’enfantement des nouvelles lois. Alain Zenner est cet homme pluriel, capable d’appréhender les opinions contraires et d’en respecter les desseins… Il est rare qu’un juriste joue des rôles aussi majeurs successivement dans l’élaboration du droit, dans la tourmente de son application et dans l’écriture de son commentaire. C’est ce qui explique que son ouvrage marie harmonieusement les qualités indispensables à la lisibilité et à l’utilité d’un traité : on y sent une connaissance économique des problèmes confiés aux soins du juriste et la vision prospective des deux nouvelles lois est enrichie par une référence constante aux travaux qui les ont préparées.

L’accueil réservé au traité de Me Zenner par la critique fut d’ailleurs élogieux. Vous en jugerez à la lecture des quelques extraits qui figurent dans la chemise de presse qui vous a été remise.

Ce traité fut couronné par le prestigieux prix que la Fondation Jean Bastin octroie tous les deux ans à un ouvrage de référence dans le domaine de l’insolvabilité, qu’il soit de nature juridique, économique, sociale, sociologique… ou autre, et qui fut attribué à Me Zenner en 2000 par un jury présidé à l’époque par le baron Jean Godeaux, ancien président de la Commission bancaire et Gouverneur de la Banque Nationale.

Ce rappel du passé augure du succès qui, nous n’en doutons pas, sera réservé au nouvel ouvrage de Me Zenner.

Dès 1998, le nouveau régime des faillites et des concordats adopté en 1997 fit l’objet d’une première retouche par une loi attributive de compétence du 27 mai 1998. Puis une deuxième retouche y fut apportée par une loi interprétative du 12 mars 2000 en matière de réserve de propriété.

Puis, une « évaluation juridique » plus fondamentale du nouveau régime fut entreprise par le ministre de la justice Tony Van Parys sous la législature précédente ; elle fut poursuivie par son successeur Marc Verwilghen. Une série d’adaptations, certaines de moindre importance et d’autres plus fondamentales, parut nécessaire. Les propositions et projets de loi déposés à cet effet ont abouti au vote par la Parlement d’une loi dite « de réparation » qui a été promulguée le 4 septembre 2002.

Une autre innovation fondamentale dans le droit des entreprises en difficulté réside dans l’entrée en vigueur, le 31 mai 2002, du Règlement relatif aux procédures d’insolvabilité, qui, au sein de l’Union européenne, régit de manière transfrontalière toutes les procédures d’insolvabilité ouverte depuis lors.

L’ouvrage de Me Zenner est non seulement consacré à ces nouvelles dispositions légales et réglementaires, mais aussi à la pratique de la réforme de 1997, c'est-à-dire à un examen très large et très complet de la jurisprudence et de la doctrine publiée depuis lors.

En l’espèce, celle-ci est particulièrement importante, car le réforme de 1997 a laissé aux juges une grande marge d’interprétation.

C’est d’ailleurs ce qui amena à l’époque M. Martens, que j’ai déjà cité, à cette autre considération qui mérite d’être rappelée :

Ne surestimons pas, écrivait-il, les vertus novatrices des deux nouvelles lois : elles sont plus virtuelles qu’affirmées. [… ] Ce qui est en promesse dans la loi suppose l’avènement d’une nouvelle culture judiciaire – si l’expression n’est pas déjà trop éculée pour avoir davantage qu’une vertu d’affichage.

On sait comment les lois se font aujourd’hui. Le législateur ne s’autorise plus à faire triompher une idéologie. Il s’efforce de les flatter toutes. Ce que la loi perd en clarté, elle le donne au juge, en créativité, et c’est lui qui prêtera aux textes un sens que leur lecture ne révèle pas.

[…] c’est ainsi que se fait désormais le droit : le politique délègue au judiciaire ce qu’il n’ose plus décider.

L’ouvrage que publie la Maison Larcier aujourd’hui ambitionne d’actualiser l’exposé complet de la matière du droit des entreprises en difficulté que comportait le traité de Me Zenner de 1998. Il s’adresse évidemment à tous ceux qui sont confrontés à un concordat ou une faillite ou aux risques de ces procédures dans leur pratique quotidienne : débiteur concordataire ou failli, créanciers, travailleurs, avocats, curateurs, magistrats, juristes d’entreprise, experts-comptables, réviseurs, représentants syndicaux. Mais, dans la mesure où la réforme affecte aussi les obligations et responsabilités des actionnaires, des dirigeants et des contrôleurs des sociétés commerciales, indépendamment de toute faillite ou de tout concordat, il peut intéresser tous les acteurs de la vie économique.

Cet ouvrage est publié dans la collection des dossiers du Journal des Tribunaux, dirigée par Monsieur Roger O. Dalcq, avocat au barreau de Bruxelles et professeur émérite à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve

Dans quelques instants, Me Zenner abordera brièvement les principaux aspects de la réforme, secondé par Me Leunen qui lui a apporté son concours pour la partie européenne.

Pour allier la pratique à la théorie, nous avons aussi demandé à M. Paul Huberlant, administrateur délégué de Euro DB, de vous livrer quelques considérations fondées sur les données commerciales que recueille systématiquement cette société.

Enfin, je signalerai pour terminer, une coïncidence amusante : aujourd’hui, Me Zenner présente un ouvrage juridique ; demain, il présentera un ouvrage politique, publié aux Editions Luc Pire Electronique. Peut-être souhaiterez-vous aussi avoir quelques éclaircissements à ce sujet à l’occasion du question-time.

(1) auteur de l’ouvrage : Théories du droit et pensée juridique contemporaine, Larcier, 2003.



Zenner (Alain), Faillites et concordats 2002. La réforme de la réforme et sa pratique, Bruxelles, Editions De Boeck & Larcier (collection "Les dossiers du Journal des Tribunaux", n° 38), 2003, 492 p.